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12 décembre 2016

Un concert pas ordinaire

Music’Halle, jeudi 8 décembre 2016, un concert pas comme les autres.
Quelques semaines auparavant, une discussion avec deux musiciens du groupe Alfie Ryner, le saxophoniste Paco Serrano et le tromboniste Guillaume Pique, avait mis en lumière les particularités de Rhizomes, création musicale en milieu pénitentiaire. Avant le concert, en pleine période de répétition. Ils avaient expliqué qu'ils s’étaient engagés tous les deux dans le projet, décidés à animer un atelier avec des détenus du Centre de Détention de Muret.
En trois mois de deux heures de travail hebdomadaire avec une quinzaine de détenus, il s’était passé beaucoup de choses, autour de la musique bien sûr. Les deux musiciens professionnels étaient arrivés avec un projet préconçu, essentiellement pour travailler en musique électronique. Les détenus volontaires pour prendre part à l’atelier, eux, avaient envie de jouer de la musique et surtout leur musique, celle qu’ils avaient déjà pratiquée, celle de leurs racines, qu’ils viennent de Tahiti, des Antilles ou de métropole. D’ailleurs dans l’idée qui avait prévalu à cette activité, il ne s’agissait pas d’enseigner de la musique mais de préparer une création musicale commune. Qu’ils nous ont présentée, finalisant ainsi le projet.
Beaucoup d’instruments occupaient la scène en demi-cercle : des guitares, une basse, des ukulélés, des percussions (djembés, congas et autres), une batterie, des ordinateurs et autres objets de musiques électroniques, un saxophone et un trombone. Une attente forte, aussi bien du public que de tous les musiciens, était prégnante, avec des incertitudes et la perception d’enjeux inhabituels. Le public savait qui ils étaient et ils savaient que le public savait. Questions de regards. Et d’affronter les regards ?
Le concert a commencé par un rap, écrit par le chanteur, qui prit place à la batterie par la suite, assurant une cohésion rythmique sans faille. Plusieurs textes chantés ou lus, en créoles et en français, ont créé une énorme émotion à l’écoute de ces personnes qui avaient la force de dire leur réalité. Les deux « animateurs » avaient trouvé une place, leur place, sur le côté, aux manettes de l’électronique et aux embouchures de leurs instruments. Le répertoire ? Il était très agréable d’écouter les musiques tahitiennes -essentiellement à partir des ukulélés et du djembé- et antillaises soutenues par des chants qui semblaient porter des histoires et des vies. On ressentait un relâchement, quelque chose de simple et de naturel : chanter, jouer et partager des airs connus. Le saxophone et le trombone ont pris des chorus au sein des mélodies, avec plaisir. Sourires. Bien sûr, les compétences musicales étaient très hétérogènes, les cultures musicales également. Mais dans cette diversité s’est noué un flux sonore composite, solide et fragile à la fois, sensible.
Quelle expérience, pour nous les spectateurs !
Les rhizomes courent sous la terre et de là naissent et s’épanouissent les cultures. Ce nom, choisi pour ce groupe éphémère, a tenu ses promesses dans un concert qui s’inscrit dans les événements rares.
Marie-Françoise

Les Productions du Vendredi développent depuis 2011 un volet d’action culturelle s’adressant à différents publics, dont les publics en difficulté. Rhizomes s’est construit en partenariat avec la Centre de Détention de Muret, avec le soutien de la DRAC Midi-Pyrénées et de la DISP (Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires) de Toulouse ainsi que du SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation) dans le cadre du programme Culture-Justice.

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