28 juillet 2014

Ooooops !

La Jazzette du vendredi qui était passée à travers les mailles du filet !
Merci aux yeux avisés :)

27 juillet 2014

Last but not least

Parce qu'on vous aime, une toute dernière Jazzette pour attendre 2015, disponible uniquement en ligne !

Merci à tous.

26 juillet 2014

Saturday Jazzette

Voici la Jazzette de ce samedi, parfaite lecture en attendant le concert de Youn Sun Nah !

25 juillet 2014

Des nouvelles de Youn Sun Nah


Youn Sun Nah a très gentiment répondu à nos questions :
Votre album Lento est souvent considéré comme le troisième volet d’une trilogie.
J’ai fait huit albums et il y a des albums qui sont uniquement sortis en Asie et des albums qui sont sortis en France ou en Europe. Mais depuis que je suis chez Act, un label allemand, je joue toujours avec les mêmes musiciens, il y a toujours Ulf Wakenius, un guitariste suédois et un bassiste suédois. On avait enregistré à Götteborg en Suède avec un percussionniste français. Comme j’ai, un peu par hasard, travaillé avec les mêmes musiciens sur trois albums de suite, les gens ont appelé ça la trilogie. Souvent on change de musiciens, quand on change de projet, mais je voulais garder les musiciens. Il y a une sorte de permanence : mêmes musiciens, même studio d’enregistrement, même équipe. Le prochain album, je ne sais pas comment ça va être.
Que signifie pour vous que cet album soit la meilleure vente des cd de jazz ?
J’ai beaucoup de chance. Je ne m’imaginais pas du tout me retrouver là. Je dois beaucoup à la France, aux gens. Ils me donnent beaucoup d’amour ; du coup j’essaie de donner le maximum possible. Je pense que ce sont plutôt les gens qui viennent me voir qui achètent l’album.
Dans ce projet, Lento, que vous allez jouer à Souillac, vous avez glissé des compositeurs que nous n’aurions peut-être pas attendus : Scriabine, Tom Waits. Votre album est très éclectique.
Quand j’enregistre un album, je n’ai pas vraiment de concept ; j’enregistre les morceaux que je compose à ce moment-là et je demande aussi aux musiciens de composer pour moi. C’est toujours sur le moment. J’essaie de ne pas me limiter dans un registre spécial et ce que j’aime dans le jazz, c’est qu’il est éclectique. Tout devient jazz aussi. Les musiciens avec qui je joue sont assez ouverts. Quand ils m’ont proposé par exemple Enter Sandman de Metallica, je n’avais jamais pu imaginer qu’un jour je chanterais Metallica. Ils m’ont appris que tout est possible. Et puis, j’essaie de chanter des choses qui me plaisent. J’ai commencé le jazz assez tardivement. J’ai appris à l’école, et avec des musiciens, que le jazz n’est pas juste une couleur, c’est un tout. J’ai gardé ça dans ma tête. Quand je suis arrivée en France, je n’avais aucune notion de jazz. Je n’ai pas vraiment la culture de jazz : je ne suis pas née aux États-Unis ; je n’avais jamais écouté de jazz jusqu’à l’âge de 25 ans. C’est comme apprendre un alphabet de A à Z - et Z c’est encore loin. C’est peut-être pour ça que j’arrive à oser faire ça. Si j’avais un stéréotype de jazz dans ma tête, je n’oserais pas. Je pense que c’est le jazz actuel. Je joue avec un musicien suédois qui a joué avec Oscar Peterson, avec des musiciens du mainstream et ce qu’il joue est très ouvert. Vincent Peirani, l’accordéoniste, joue de tout, de la musique contemporaine et classique, du jazz, de la world et du flamenco. Je crois que ce qui me caractérise c’est que je suis curieuse.
Votre voix sait toujours surprendre, émouvoir. Pouvez-vous parler de votre voix ?
La voix je pense que ça vient de mes parents et mes grands parents. Mes parents sont musiciens et j’ai écouté beaucoup de musique depuis que je suis toute petite. Ils chantent vraiment très très bien, j’ai hérité un peu de ça. Après, j’essaie des trucs avec la voix parce que je veux reproduire le son que j’entends. Par exemple pourquoi est-ce qu’on chante toujours en soufflant ? pourquoi est ce qu’on ne peut pas chanter en inspirant ? il y a une tribu pygmée qui chante en inspirant. (Youn Sun Nah montre comment chanter en inspirant) J’essaie de jouer avec la voix, voir ce que je peux faire. On pense souvent que la voix c’est un outil pour communiquer et en même temps chanter. C’est un instrument à part parce que chaque personne a une voix différente. C’est un instrument magnifique. Je pense qu’on a oublié mais avant qu’il y ait une communication en langues en paroles, je pense qu’on a communiqué avec des sons. Et c’est ce que je veux : j’essaie d’imiter ou aller jusqu’où je peux aller. Des fois ça marche, des fois ça marche pas.
Et le travail de la voix ?
Je travaille un peu tous les jours et comme je chante presque tous les soirs, je travaille sur scène aussi.
Vos musiciens : pourquoi Ulf Wakenius, Vincent Peirani, Simon Tailleu ?
Ulf, je l’ai rencontré il y a sept ans. Je faisais une série de concerts en Corée dans un tout petit théâtre. Je voulais chanter juste avec un guitariste et j’ai fait un mail à Ulf. On avait un ami en commun mais je ne le connaissais pas bien. Je connaissais un peu sa musique. Je lui ai demandé si ça l’intéressait de jouer avec moi, il a dit ‘’ok’’. Il devait venir deux jours avant le concert pour répéter mais en Suède il y a beaucoup de tempêtes. Il n’y a pas eu d’avion et il est arrivé la veille. C’était stress stress. Mais lors du premier concert, c’était comme si on se connaissait depuis dix ans. C’est parce que c’est un très très bon musicien et il s’adapte à toutes les situations. Quand je joue avec lui, j’ai l’impression que je suis sur un tapis volant. On a fait trois concerts d’affilée dans ce théâtre. Après le dernier concert, il m’a dit : ‘’il faut que je te parle’’ et j’ai pensé ‘’peut-être qu’il n’est pas content’’. Il m’a dit : ‘’il faut qu’on enregistre un album’’ ; j’étais un peu flattée. C’est comme ça qu’on a enregistré Voyage, le premier album chez Act. Vincent, je le connais depuis plus de dix ans. J’avais un quintet et le pianiste n’était pas disponible. Alors j’ai fait appel à Vincent : je voulais travailler avec un accordéoniste. Ensuite, je l’ai invité à jouer dans un album que j’ai produit en Corée. Puis on s’est perdu de vue. Il y a un peu plus de deux ans, je devais faire un concert en duo à l’Alhambra à Paris et j’ai eu l’idée d’inviter Vincent. On a joué ensemble en trio, ça s’est très bien passé. Ce jour-là, il y avait le directeur du label Act : il a signé aussi Vincent. Et Simon Tailleu, le bassiste qui a fait ses études au CNSM à Paris, joue très très bien. Lui et Vincent sont copains. Vincent m’a conseillé Simon.
Vous chantez le plus souvent en anglais et parfois en coréen ou en français. Pourquoi l’anglais ?
En jazz, la plupart des morceaux sont en anglais. En outre, c’est plus facile pour les gens, ils comprennent. Je chante aussi en français et les gens adorent.
Le jazz et la Corée, le jazz et l’Asie ?
On n’a pas une histoire très longue avec le jazz par rapport à l’Europe et les États-Unis. Ça fait à peu près une vingtaine d’années que le jazz existe en Corée. Il n’ y avait pas beaucoup de gens qui jouaient du jazz. Il n’y a pas vraiment un marché comme en France. Mais ça commence : on a de plus en plus de musiciens qui étudient à l’étranger. Ils rentrent et ils enseignent. On a de plus en plus de musique de jazz. Ce n’est pas vraiment une musique commerciale et populaire mais c’est une musique qui ne vieillit jamais, qui voyage partout. Quand je joue en Asie il y a toujours des musiciens de jazz ; des fois je joue avec des musiciens coréens. Je veux présenter les musiciens étrangers en Corée. Parfois aussi, je joue avec des musiciens traditionnels coréens.
Quelles sont les chanteuses que vous aimez, que vous avez plaisir à écouter, qui vous apportent de l’émotion ?
C’est difficile de citer quelques noms. Ce qui est exceptionnel avec la voix, c’est que tout le monde peut chanter avec son propre instrument. Quand j’écoute les chanteuses de rock, de jazz, je prends autant de plaisir. Bien sûr Ella Fitzgerald et Billie Holiday et toutes les légendes des voix du jazz, je m’en lasse pas du tout. J’écoute aussi les chanteurs et chanteuses de pop. Je pense que c’est un instrument très abordable et tout le monde peut être touché très vite, même si on ne comprend pas la langue. Quand je vois des étrangers qui viennent en Corée, je suis surprise qu’ils aiment les chants traditionnels coréens. Quand j’entends quelqu’un qui n’a jamais chanté le jazz et qui chante un standard, je me rappelle l’année où j’ai enseigné en France au CIM. Il y avait une chanteuse qui swinguait comme pas possible. Je lui ai demandé : ‘’pourquoi es-tu là ? tu n’as rien à apprendre’’. Elle était toute timide… et extraordinaire.
À Souillac vous allez chanter sur une place, devant une majestueuse abbaye romane. Le lieu a-t-il une importance pour vous ?
Chaque lieu a un esprit. Quand on a joué à Paimpol, on a ressenti ça : on est plus proche de la nature même si c’est un endroit construit. On sent tout de suite l’histoire ; je sens une énergie plus forte. Quand on est sur scène, on sait des choses : je peux savoir un petit peu si ça va bien se passer ou pas. Avec les gens, il y a une énergie qui circule. Et une abbaye je perçois des choses, de l’énergie, c’est très physique.
Merci beaucoup.
Propos recueillis le 24 mars 2014
Youn Sun Nah sera en concert place Pierre Betz à Souillac, samedi 26 juillet 2014 à 21h15

24 juillet 2014

C'est jeudi, voici la Jazzette !

Et la voici en PDF !


23 juillet 2014

La Jazzette du mercredi, c'est ici !

Vous l'attendiez tous, voici la Jazzette de ce mercredi 23 !


Le conteur de la Dordogne



 Le conteur Clément Bouscarel a participé cette année à la randonnée jazz, charmant au cours de trois pauses les randonneurs et spectateurs. Il avait répondu la veille aux questions de deux bénévoles du festival.
Pouvez-vous nous dire comment vous êtes devenu conteur ?
Ce n’est pas moi qui suis allé au conte, c’est le conte qui m’a « inondé ». Je suis d’une famille rurale où se racontaient des histoires. Mes histoires me viennent de mon grand-père et de mon grand-oncle. En fait, je n’ai jamais voulu être conteur. J’ai fait des études sur l’environnement, pour travailler près de la nature. Ça s’est fait un peu par hasard : je travaille dans un village de vacances, à Turenne et un jour, on m’a demandé d’assurer des veillées. J’ai accepté et j’ai commencé à raconter des histoires du Quercy, celles de mon grand-père et mon grand-oncle. Le public, qui n’était pas constitué de gens du coin, a énormément apprécié ces histoires et voilà comment ça a commencé. Je était évident que le conte touche tout le monde parce qu’il est universel : il raconte une histoire et aussi une histoire de la langue. Si la chanson est quercynoise, la structure, la colonne vertébrale, l’essence de la légende sont universelles.
Établissez-vous un lien entre le conte et le jazz ?
Oui, bien sûr. Une histoire c’est une musique, et un morceau de musique c’est une histoire. Un musicien s’exprime son ressenti, son vécu avec des notes et un conteur le fait pareil avec des mots. C’est seulement une question de langages différents.
Pensez-vous que, comme le conte, la musique soit narrative ?
Oui, toujours. Le musicien fait passer ce qu’il vit sur le moment, il joue avec son vécu, son oreille, ce qu’il a au fond de lui : c’est déjà une histoire - son histoire - et c’est une langue. Pour moi, n’importe quelle musique est une histoire et je la reçois comme ça même lorsqu’elle paraît déstructurée. D’ailleurs, le conte n’est pas forcément structuré comme une narration classique, avec un début, un milieu et une fin.
Moi, j’ai mon instrument de musique qui est ma voix et j’ai quelques notes que j’utilise avec mon corps ; mon esprit peut se libérer et donner des histoires. Alors, le conte est vraiment de la musique. N’importe quelle musique me raconte une histoire. Il y a des gens qui racontent en peignant, d’autres qui racontent en dessinant, d’autres en faisant de la danse. L’art sert à exprimer quelque chose, et je vois dans l’art la manière de raconter des histoires.
Un conte et une histoire, est-ce que ce sont deux mêmes choses ?
Pour moi oui. L’essence même du conteur est un des plus vieux statuts (je ne veux pas dire métier parce que conter n’est pas seulement un métier) des sociétés depuis que l’homme a maîtrisé le feu. Quand l’homme a pu maîtriser le feu et la lumière, alors l’art a eu sa place.
On ne peut pas faire la différence entre les contes et les histoires : le conte naît des histoires et les histoires naissent des contes. Je veux quand même dire que les contes ont un fond récurrent universel. Il y a plusieurs manières de conter et il y a des signatures. Prenez par exemple les contes de Nasreddine, ce sont des contes très courts qui sont très percutants. On prend une très grande claque quand on écoute de petites histoires de Nasreddine parce qu’elles sont extrêmement profondes. Mais n’importe qui peut être conteur parce qu’il peut raconter sa vie ou raconter la vie de quelqu’un d’autre. Un récit de vie, pour moi c’est du conte.
Avant tout, le conte, pour moi, c’est un voyage. Et c’est pour ça que la musique, un conte, un tableau, regarder une chorégraphie de danse, n’importe quel art, c’est un voyage. Chacun a une sensibilité, une émotion qui lui permet de partir et de voyager avec un artiste quel qu’il soit.
Est-ce que vous voulez dire que, parce qu’il est structuré, le conte permet d’improviser ?
Oui, ce n’est pas par hasard que de vieux contes qu’on connaît tous, Blancheneige, Cendrillon, ont traversé les siècles. C’est parce qu’ils sont très structurés. Il y a la colonne vertébrale et après on nourrit l’histoire à son idée.
Donc le conte, comme le jazz, utilise l’improvisation ?
Mais bien sûr, le conte ce n’est que de l’improvisation. En tout cas dans ma manière de conter. J’ai reçu le conte et je suis peut-être un des derniers à le transmettre de cette manière dans cette région : normalement les histoires voyagent dans le temps par le bouche-à-oreilles. Mais aujourd’hui, quand je demande au public : « si vous voulez des histoires où allez-vous les chercher ? » la réponse est : « dans les livres ». Mais pour aller chercher des histoires dans un livre, il faut savoir lire et écrire. Je pense que ce n’est pas comme ça que voyagent les histoires : elles circulent de génération en génération. Ainsi se transmet une structure de l’histoire et le conteur la met à sa sauce.
Dans votre répertoire, il y a les histoires que vous ont transmises vos grands-parents. Y en a-t-il qui vous sont propres ?
Aujourd’hui, il y a des histoires que je travaille, qui me sont propres. Il y a aussi des histoires que j’ai prises à droite à gauche mais la façon de conter, c’est mon grand-oncle et mon grand-père qui m’ont transmis et ils l’avaient reçue quand ils étaient petits. Certains conteurs apprennent un texte… il y a même des conteurs où il y a un éclairage, une mise en scène. Moi je suis plus dans l’échange direct et une grande proximité avec le public.
D’où vous viennent les idées ?
Quand je la reçois une histoire, même toute petite, si elle me touche, peut être travaillée et rejoindre mon répertoire. Une anecdote de trente secondes que quelqu’un me raconte à la fin d’un spectacle, je la transforme en une histoire d’un quart d’heure ou vingt minutes. Et c’est un échange énorme avec le public. Un certain nombre d’histoires de mon répertoire sont nées de ce que des gens m’ont raconté à la fin de spectacles.
La base de mon répertoire est de famille. Mon histoire sur la chasse volante, - ce sont des nuages noirs qui avancent dans le ciel, poussé par un vent qui fait un tel bruit qu’on croirait que ce sont des chiens qui mènent dans le ciel, (en gros c’est la mort qui vient sur terre) - est une histoire qui m’a été racontée à la fin d’un spectacle. Elle m’a touché et j’en ai fait tout un conte.
Vous allez participer à un événement du festival de jazz : la randonnée jazz contée ? Comment l’envisagez-vous ?
C’est une première non ? Combiner le temps de conte avec un temps de musique, c’est compliqué. Il y a une différence entre le conte et la musique : le conte a besoin de toute l’attention des spectateurs parce qu’il y a les mots. Il y aura des pauses spécifiques pour le conte.
Comment allez-vous procéder? vous allez raconter un conte et ensuite, les musiciens vont jouer ?
Oui il y aura quatre stations. Mais ce ne sera pas quatre histoires. Lors de la première station, j’ai envie de parler de la rivière, simplement : ce qu’elle est, pourquoi on est là, son parcours, sa nature, son caractère. Et après ce seront des histoires.
Vous savez déjà lesquelles ?
Une oui et après non.
Vous racontez souvent ?
Oui, de plus en plus. Il y a de plus en plus de gens qui me sollicitent et ça me fait plaisir. Pour moi d’abord. Et ensuite, ça me fait plaisir de voir que les gens s’intéressent encore aux histoires et qu’ils sont sensibles au patrimoine qu’on a ici. Ça me fait plaisir que les gens aient envie d’écouter, au lieu de regarder la télé… je suis intimement convaincu qu’on ne pourra jamais remplacer quelqu’un qui raconte une histoire.
Pouvez-vous nous parler du plaisir du conteur au moment du conte ?
Le plaisir vient des échanges : je suis très très très content de raconter mes histoires, enfin nos histoires parce qu’elles appartiennent à tout le monde. Ce sont des histoires importantes pour tout un peuple. Ce que le public va donner, c’est très très fort. Le plaisir des mots, de la langue et le plaisir des gens constituent le plaisir de conter. Dans une salle où il n’y a pas un bruit, où on entendrait pas une mouche voler, où on sent un public extrêmement présent, et qui ne demande qu’une chose c’est de manger le mot qui va sortir de la bouche, il se passe quelque chose d’extraordinaire.
Et le plaisir des mots ?
C’est un peu ma signature. Je vais assaisonner mes histoires de mots occitans. Les histoires m’ont été racontées en occitan quand j’étais petit. C’est une langue que j’essaie de sauvegarder, de faire vivre et quand je parle des plaisirs des mots, c’est souvent dans cette langue que je savoure.
C’est une langue extrêmement imagée, chantante. Je me plais à mettre ces mots et là où je me plais encore plus, c’est que je ne traduis pas et que les gens comprennent.
Il est délétère pour une langue d’essayer de la traduire. Vivre le mot, l’imaginer, lui donner un sens, c’est beaucoup plus riche que le traduire. Il est évident que le son du mot met dans la tête des images. La langue est le liant de toute une culture, d’un peuple. C’est très important de faire vivre une langue parce que elle est une façon de penser.
A la fin d’un spectacle, une dame m’a dit : « Merci beaucoup, j’ai voyagé toute la soirée. » Ça me touche énormément. Comme ceux qui me disent : « On oubliait presque que vous étiez là. » Ça veut dire que c’est pas moi, que c’est l’histoire qui a envoûté les spectateurs et que j’ai construit le décor avec mes mots.
Vous ne comptez pas sur la mise en scène ?
Je fais totalement confiance à mes histoires. Moi pour la mise en scène est très simple : j’ai un banc d’où je raconte. Je raconte bien quand les gens sont proches. Pour moi raconter une histoire c’est très intime, c’est une partie de soi qu’on donne.
Interview accordée par Clément Bouscarel à Marie-Françoise Govin et Eve Mazet le 18 juillet 2014

22 juillet 2014

Les coulisses d'un documentaire romanesque: entretien avec Richard Copans


Pourquoi ce film, Un amour, qui parle de vos parents, Sim et de Lucienne Copans, après le documentaire Racines qui racontait vos origines familiales ?
Racines est un film sur la génération d’avant Sim et Lucienne. Mes parents ont très peu raconté leurs origines. Sans doute, pour deux raisons : ils étaient athées et communistes d’une part et d’autre part, mon père savait peu de choses sur la Lituanie ; ses parents, qui avaient émigré aux Etats-Unis, ne savaient pas grand-chose de ceux qui étaient restés en Lituanie. Et ma mère ne parlait jamais de Soissons. Lorsque ce film est sorti en salle, France Culture m’a proposé de faire un documentaire pour la radio sur la période de leur rencontre et sur leur vie. Je pensais utiliser les lettres que mon père avait écrites à ma mère mais elle s’y est opposée. J’ai respecté bien sûr sa volonté. Après son décès, j’ai repris ces lettres mais j’ai eu envie de mettre aussi des images et de faire un film documentaire. Au début, je ne pensais pas raconter leur amour, il a fallu avancer dans le temps et dans le deuil. Ensuite, je me suis lancé dans une enquête et j’ai eu envie de faire appel à un écrivain. J’en ai rencontré plusieurs et en fin de compte, c’est Marie Nimier qui a écrit le texte.
Et c’est comme ça qu’est né ce film Un amour.
Comment avez-vous choisi les moments de la vie de vos parents pour jalonner le film ?
J’ai choisi les épisodes qui m’avaient été ou qui avaient été souvent racontés : la rencontre à Chartres, les enfants espagnols recueillis, l’arrivée à New York. Et j’ai inventé d’autre scènes. Par exemple, je ne sais pas comment Sim a écrit son testament avant de partir en 1944. L’écrivaine a pu se saisir de ce que je m’étais autorisé à créer. C’est la couleur romanesque du film.
C’est une histoire intime en rapport avec la grande Histoire, j’y tiens beaucoup. Les sentiments liés aux convictions ont énormément joué dans la vie de mes parents. Ils n’étaient pas à proprement parler militants mais ils avaient des opinions tranchées. Je me souviens des prises de position de ma mère au moment des événements de Budapest. Le film reste fidèle à la petite et à la grande Histoire.
Comment s’est déroulé le passage de l’écriture littéraire à la réalisation filmique ?
L’écriture romanesque permet de dire l’intime, la sensualité, l’amour. Les lettres contiennent beaucoup de sensualité. Marie Nimier a écrit beaucoup plus que ce qui est dit dans le film et nous avons travaillé en allers retours permanents. Les personnes qui apparaissent dans le film disent les textes écrits par Marie Nimier.
Et puis, il y a la musique. L’année dernière, j’avais enregistré le concert de Portal et Peirani et de longs moments se trouvent dans le film. Nous avons complété avec une séance d’enregistrement au Triton, aux Lilas. Ce sont des musiciens exceptionnels et la bande son est vraiment extraordinaire.
A la fin de votre film, nous voyons une discussion avec Jacques et Lucienne Pivaudran. J’ai été très émue par ces images et ces paroles. Pourquoi cette séquence tournée l’année dernière en juillet, lors du festival ?
C’est une manière de revenir à Souillac, à un couple qui aime beaucoup mes parents. Lucienne Pivaudran souligne qu’il n’y a pas de couple exemplaire. Le film s’achève sur une note légère, modeste. Et ensuite, la dernière séquence s’étire sur le ramassage des noix aujourd’hui : un événement très simple, l’arbre tremble, l’absence.
Entretien accordé par Richard Copans à Marie-Françoise Govin, 12 juillet 2014

Albert Dubout

Albert Dubout nait à Marseille (1905- 1976), il étudie aux Beaux-Arts à Montpellier, époque à laquelle il publie ses premiers dessins dans L'Écho des étudiants en 1923. Ses œuvres, transcendant les siècles, ont été éditées par la famille de l'artiste pour le centenaire de sa naissance. Ce fut un artiste engagé, en ayant notamment été un des premiers artistes à dénoncer l’arrivée au pouvoir d’Hitler, un précurseur en bien des domaines: «grand témoin du XXe siècle».

Son œuvre
Un artiste qui ne se plie pas aux normes! S’appropriant de multiples signatures, tel le Chat qui apparait dans beaucoup de ses dessins burlesques. Comme son nom l’indique, la caricature joue sur l’accentuation des traits, ainsi il s’est construit deux personnages phares inspirés d’un couple bourgeois de Montpellier, composé d’une «grosse bonne femme» extravagante et de son tout «petit bonhomme» qui la suit partout. Il montre ce que les gens ne veulent pas voir: des femmes comme on n'oserait plus les dessiner aujourd'hui, et des hommes comme ils n'ont pas envie de se voir. Ses thèmes de prédilections étaient les foules et mondanités, les vacances ou encore, l’armée méticuleusement ridiculisée, cela à travers des méthodes quelque peu originales. Néanmoins son sujet principal était la tauromachie! Certainement parce qu’il rêvait d’être toréro. Il fut dessinateur illustrateur pour de multiples livres, en collaboration cinquante ans avec une quarantaine de journaux et magazines: Ric et Rac, Le Journal Amusant, Le Rire, Fantasio, Gringoire, Candide, Marianne, La Bataille, Ici Paris ou encore Charlie Hebdo… De plus il était affichiste pour le cinéma et la publicité, il illustra notamment la première affiche de la Trilogie Marius, Fanny, César de Marcel Pagnol. Ces affiches sont avérées être un franc succès.

Expo du festival
La salle Saint-Martin ouvre sa fraîcheur sur une exposition riche sur le thème de la musique bien sûr ! De 10h à 13 le matin et de 16h à 19h l’après-midi jusqu’à samedi 26 juillet. Le jazz tenait à cœur à Albert Dubout, il était entre autres parrain d’un orchestre de jazz montpelliérain «l’Orchestre de Charlie Maurice». Vous pourrez profiter d’une exposition pleine de dynamisme, toujours en mouvement, autant les dessins que les lavis à l’encre de chine ne devraient pas vous laisser indifférents. Vous remarquerez le style unique du dessinateur, une grande diversité malgré les thèmes récurrents, il faut scruter ces œuvres jusqu’au moindre détail pour y trouver sans cesse une pointe d’ironie cachée dans les attitudes, un homme caché sous les jupes d’une inconnue, un méli-mélo parfaitement organisé avec une souris, une grenouille, une bouteille de vin par ci par là… Ses œuvres représentent la fusion des cultures, un grand bazar : des sauts, des danses, des chutes, des bagarres, des jazz bands assourdissants, dissonants, fracassants, au point d’en décrocher les touches des pianos, de faire tomber dans des corbeilles des robinets pleins de fausses notes, de percer les instruments, de faire fuir des publics entiers de salles de spectacles, de faire fondre des «symphonies en froid majeur»… Un style libre, approprié pour le jazz, une «catastrophe apprivoisée » (Jean Cocteau) dont a parlé Nicolas Benies hier, lors de sa conférence sur le jazz et le débarquement. Cette inondation de mélodies, dans tous les sens du terme est difficile à présenter, mais si vous y faites un tour et que vous êtes un peu curieux, vous ne serez pas déçu! Je pense que n’importe qui peut être surpris, en visitant cette exposition, sachant qu’il s’agit d’un artiste né en 1905, j’y ai trouvé une modernité et une joie inattendues. D’autres expositions,«Sim Copans: un débarquement en jazz», des photos du festival et un reportage dessiné par les dessinatrices du festival, Aline Rollin et Barbara Govin s’offrent à vous.Si la visite vous a passionnée, vous pourrez profiter de groupes déambulant dans les rues de Souillac Mardi avec Red Fish 5tet et sur les places de Souillac, (place du Beffroi) à la sortie de l’exposition, mercredi matin à partir de 11h30. Vous pourrez vous renseigner à l’office de tourisme sur les autres animations et concerts de Souillac en Jazz.
par Eve

La Jazzette du mardi

La voici en téléchargement, pour la modique somme de 0 € !

21 juillet 2014

Le festival croqué par les 2 reporters-dessinatrices

Rendez-vous salle St Martin à Souillac pour l'exposition du reportage dessiné de Barbara Govin et Aline Rollin. 










Elle est fraîche ma Jazzette !

Toutes les infos du festival dans la Jazzette du lundi.



20 juillet 2014

C'est reparti pour une semaine de jazzette, voici le PDF de celle du jour en téléchargement !

12 juillet 2014

Itw Francesco Bearzatti : "Il a été révolutionnaire parce qu'il a été unique"



Lors de votre concert de 2011 à Souillac, vous nous aviez parlé d’un projet autour de Monk qui vous enthousiasmait. Alors deux questions : pourquoi Monk et pourquoi le rock’n’roll ?
Le rock, parce que je suis d’une génération qui a grandi avec le rock’n’roll et pas avec le jazz. Le jazz, c’est la génération de mon père. Et Monk parce que c’est un compositeur, comme Charlie Parker, qui puise aux mêmes racines comme le rock, qui puise dans le blues : il a alors été évident de combiner ces deux musiques. Et aussi pour faire connaître à ma génération, qui écoute tout le temps de la pop et du rock, un compositeur aussi important que Thelonious Monk.

Nous vous avons entendus sur le projet Malcolm X et également sur le projet Tina Modotti : vous donniez une vie à des personnes qui ont bousculé un tant soit peu l’ordre du monde. Qu’en est-il de Monk’n’roll ?
Avec mon quartet je célèbre des figures révolutionnaires comme Tina Modotti et Malcolm X. Monk d’une certaine façon a été révolutionnaire parce qu’il a été unique. Au moment où tout le monde jouait du be bop, comme Charlie Parker, Monk était à part : il jouait lui-même quelque chose qui était complètement particulier et c’est pour ça que je l’ai choisi. Et aussi parce que je l’aime comme compositeur, je crois que c’est un compositeur de première classe.
En quoi était-il particulier ?
Toute la scène du be bop était basée sur la musique de Charlie Parker et de Dizzy Gillespie. Monk avait un truc très personnel, complètement différent à l’époque et il n’était pas très bien compris. A la fin, il était tellement fort qu’il a été perçu comme un génie et aujourd’hui je pense que c’est vrai.

Chacun de vos projets est un tout cohérent, construit, avec ce qui me paraît une démarche narrative. Narrative dans sa globalité mais pensez-vous que votre musique est narrative, qu’elle raconte ?
Oui, moi j’aime raconter des histoires et avec Tina Modotti puis Malcolm X, j’ai raconté des histoires très importantes pour moi et je pense qu’il y a beaucoup de narratif dans ma musique. Dans le cas de Monk, je ne joue pas des compos de moi, je joue des compos de Monk mélangées avec du rock. Alors là du narratif, il n’y en a pas. C’est un autre hommage, c’est un hommage un peu rigolo à la musique de Monk. Il faut écouter le live pour comprendre.

Comment avez-vous composé les morceaux ? comment avez-vous choisi les assemblages ?
À l’origine, c’est une idée à moi et j’ai proposé à mes camarades deux ou trois morceaux. Après, les autres, on les a faits tous ensemble parce que Giovanni (Falzone) et Danilo (Gallo) et Zeno (de Rossi) sont aussi des compositeurs, des musiciens très créatifs. Pendant la tournée de Malcolm X, on a commencé à imaginer les morceaux de Monk avec les morceaux des Pink Floyd ou d’autres « rockers ». Et on s’est amusé dans les trains… Puis on a monté des trucs ensemble, c’était un travail choral. A part l’idée originale qui est la mienne, chacun a proposé des morceaux, des combinaisons, des arrangements. On a tous travaillé ensemble

Dans votre groupe, vous avez une énergie, une puissance évocatrice et une imagination jubilatoires et communicatives ? qu’est-ce qui libère cette énergie et cet imaginaire ? quel travail derrière tout cela ?
Bien sûr il faut garder la fantaisie, la voie de l’imaginaire, du rêve mais l’énergie ! On n’est plus des gamins, on a quarante tous les quatre mais l’énergie pour notre génération vient du rock. Le rock est une musique très énergique et aussi on a envie de partager avec les autres - avec le public et avec nous-mêmes aussi - la musique. On a aussi envie de s’amuser, c’est pour ça je crois qu’on a cette façon de jouer très énergique

Et votre travail ?
On se connaît très bien, alors on ne répète plus ensemble. On travaille ensemble sur un nouveau projet et après on ne répète jamais. Bien sûr on travaille chez nous, dans les hôtels notre instrument, la musique et surtout le son et l’harmonie. Chacun est toujours en train de développer son style, chacun travaille à grandir comme artiste.

Pouvez-nous nous parler des musiciens ?
Zeno de Rossi est un vieux copain à moi ; on habitait de la même ville de Vérone. Il est un peu plus jeune que moi. C’est un des batteurs en Italie qui joue avec tous les plus grands musiciens de jazz mais pas seulement ; il accompagne aujourd’hui un chanteur de pop très très connu en Italie.
Giovanni Falzone vient du classique, il était première trompette de l’orchestre de Milan. Il a décidé d’assouvir sa passion de l’improvisation et du jazz et il a quitté l’orchestre de Milan. Il est maintenant un des plus importants trompettistes italiens et sans doute aussi en Europe.
Danilo Gallo, le bassiste, vient du sud de l’Italie. Je ne le connaissais pas avant Tinissima Quartet. Il connaît toute la musique de jazz de la basse électrique.

Comment êtes-vous passé du rock au jazz ?
Je viens de la musique classique, je jouais de la clarinette classique et en même temps de la basse électrique et du piano dans des groupes pop rock. J’aimais aussi beaucoup jouer de la guitare et écouter du rock. J’ai été également musicien de studio de musique pop en Italie. C’est donc plus facile de mélanger jazz et rock et je l’ai fait dans tous mes disques.
Mes camarades, c’est pareil ; ils ont grandi avec la pop et le rock. C’est donc naturel pour nous tous de se confronter avec cette musique.
Comment je suis arrivé au jazz ? A travers la musique noire, le funk, la fusion des années 80, les groupes comme Weather Report. On a découvert toute la tradition du jazz, on est remonté au début de son histoire pour comprendre l’idiome de cette musique.

Vous estimez que Thelonious Monk est un génie ? Y a-t-il d’autres musiciens de jazz que vous admirez ?
Oui bien sûr : Armstrong, j’aime tout Charlie Parker, Miles Davis, Ornette Coleman, Sonny Rollins. J’ai étudié tous les musiciens de jazz importants. A New York, j’ai eu l’occasion d’étudier avec George Coleman, un saxophoniste qui avait joué avec Miles Davis. Il était mon professeur quand j’ai fait des études ; il m’a permis d’être au contact avec les racines, avec les vrais musiciens qui ont inventé cette musique.

Le spectateur ressent l’aspect ludique de votre spectacle. Qu’en est-il ?
Oui on s’amuse beaucoup, c’est le moment le plus important de notre journée de musiciens. Quand on est sur scène, c’est le moment où on est le plus content de notre vie et je pense qu’on a envie de partager ça avec vous avec le public.
 
Et Souillac ? vous y êtes venus, vous avez enthousiasmé chacun. Nous espérons que cette année, vous pourrez jouer devant l’abbaye. Quel peut être l’impact de ce lieu sur votre imaginaire ? sur votre musique ? sur votre son ?
Le lieu agit sur notre désir de jouer mais surtout il a un impact sonore parce chaque fois qu’on change de concert, on veut maîtriser l’acoustique. Le lieu, la salle, le public, tout ça touche l’acoustique, sans compter notre ingénieur du son. Il y a beaucoup d’éléments différents qu’on doit maîtriser chaque fois qu’on change de lieu de concert.

photo Souillac en jazz 2011- entretien réalisé le 2 juillet 2014 avec Francesco Bearzatti par Marie-Françoise Govin