23 octobre 2013

Un pied de nez au temps qui passe


Martial Solal a encore une fois rempli Odyssud, une salle de neuf cents places, lundi 21 octobre. 
 Avec les frères Moutin à la contrebasse et à la batterie, il a défié les idées reçues et les grands standards. Les spectateurs ont profité d’une soirée pleine de surprises et de clins d’œil, de frissons et de sourires. « My funny Valentine est le morceau qui a été le plus joué au monde », déclare Martial Solal alors que nous avons eu l’impression de ne jamais l’avoir entendu. L’improvisation est le maître mot de ce concert et l’imagination des trois musiciens est pleine de ressources. La complicité entre les deux frères jumeaux ainsi que leur réactivité sans cesse mise à l’épreuve contribue à un stupéfiant numéro d’équilibristes. Ils sont fascinants : ils attrapent, relancent, jouent avec les ruptures mélodiques et rythmiques. Funambules en perpétuelle avancée sur une corde sensible, les trois musiciens rient de nos frissons. 
On croyait que « Caravane » ou « Tea for two » avaient été totalement exploités dans mille et une reprises. Et on découvre avec jubilation de nouveaux possibles, de nouveaux trésors. On comprend alors avec émotion que jamais le temps n’usera le jazz. Merci à François et Louis Moutin et à Martial Solal de l’avoir si brillamment joué. 
Marie-Françoise

22 octobre 2013

Le quintet de Joël Allouche rend hommage à Tony Williams

 
Cette année, les concerts à l’Automne club remémorent des univers de jazz dans lesquels nous trouvons beaucoup de plaisir: hommage à Charlie Parker avec Manu Codjia, Géraldine Laurent et Christophe Marguet, à Michel Petrucciani avec Fabrizio Bosso et Makous trio, à Tony Williams avec le quintet de Joël Allouche. Ces trois concerts ont été brillantissimes, accrochés aux traces indélébiles laissées par de très grands musiciens et emportés par la fougue du jazz contemporain. Sublimation et non nostalgie. 
Le batteur Joël Allouche connaît très bien la musique du batteur Tony Williams, qui entra dans l’orchestre de Miles Davis en 1963, à l’âge de dix-sept ans. (Figure majeure de la batterie moderne avec Elvin Jones, il a joué avec John MacLaughlin, Gil Evans, McCoy Tyner, Sonny Rollins, Herbie Hancock, Wayne Shorter.) 
Au fur et à mesure qu’avance le concert, on est de plus en plus séduit par les mélodies, qui tournent et virevoltent d’un instrument à l’autre ou se développent dans un ensemble puissant et chaleureux. « Geo-Rose », introduit par une délicate présentation de Joël Allouche, donne l’occasion à la trompettiste Airelle Besson de développer son imaginaire dans un très beau solo ainsi qu’une complicité qui ne se démentira pas avec Pierre-Olivier Govin aux saxophones alto et soprano. D’ailleurs le morceau suivant, «Juicy Fruit», est le temps d’un délicieux dialogue trompette saxophone où les phrases souvent courtes se fondent en une souple parole. Au cours du concert, chaque musicien, chaque instrument développera, sans que s’installe une monotonie systématique, les mélodies. Si les deux souffleurs sont au milieu de la scène, il n’y a pas de vedette ; solos et dialogues se tissent et l’amitié, le respect et le plaisir de jouer ensemble sont tangibles pour le public. La jeune contrebassiste Gabrielle Koehlhoeffer donne une couleur tendre et un peu grave à «Pee we», tandis que le pianiste Rémi Ploton étire la mélodie par des notes tenues, en particulier dans le joyeux et tonique «Cristal Palace». Joël Allouche soutient la formation de son sourire et de son tempo immuable et néanmoins subtilement suggéré. Dans les traces de Tony Williams, il travaille la technique au profit de la pureté des sons ; en filigrane, elle s’estompe au profit de la sensibilité et de l’émotion. Le concert monte en puissance, les énergies et les imaginaires s’épanouissent et le public en veut encore : un magnifique «Sister Cheryl» finit de le convaincre. 
Marie-Françoise

19 octobre 2013

Looking for Charlie Parker


 Le festival de la Haute-Garonne, Jazz sur son 31, propose chaque jour Une heure avec et ce jeudi 17, c’était le projet mené par Christophe Marguet, Manu Codjia et Géraldine Laurent, Looking for Charlie Parker qui nous a régalés. Les trois musiciens sont emportés par l’enthousiasmante vague du be bop, c’est évident. L’audace en est le pilier et la liberté sa respiration. 
 Le concert commence par « Moose the Mooche », qui met dans l’ambiance. Rapides et mélodiques, les musiciens développent « leur be bop ». L’esprit et la virtuosité de Charlie Parker habitent le chapiteau de l’Automne club. Pourtant, aucun retour nostalgique aux heures peut-être pas si faciles du jazz ; Géraldine Laurent, si elle connaît les chorus de Bird, n’en est pas moins une jeune musicienne qui met sa culture éclectique au service de sa créativité et de sa virtuosité. La guitare de Manu Codjia est au cœur de « The Gypsy », avec de longues phrases mélancoliques aux notes détachées, qui nous prennent aux tripes et nous tiennent en émotion longtemps longtemps, même quand batterie et saxophone envahissent le chapiteau de cascades de notes en un rythme déchaîné. Puis c’est « Lover Man », et guitare et saxophone se fondent quand la batterie se fait mélodique. S’en dégage une étrange sensualité, délicate, qui se déploie dans un magnifique solo de saxophone. On entendra ainsi la curiosité, l’admiration et la tendresse que les trois musiciens portent à Charlie Parker et qu’ils nous ont communiquées avec tellement de passion et de notes. 
La recherche de Charlie Parker est devenue une recherche de sonorités (extraordinaire imagination de Manu Codjia), d’émotion (poignante introduction de « Night in Tunisia » aux mailloches par Christophe Marguet) et de fougue (inépuisable créativité de Géraldine Laurent). Alors qu’on les a déjà maintes et maintes fois entendus, les morceaux s’illuminent des feux des audaces bop et des flamboiements contemporains qui unissent les trois musiciens.
Marie-Françoise

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16 octobre 2013

Cette musique est tellement belle que je me demande si nous la méritons toujours

Cette phrase est de Guy Lafitte, midi-pyrénéen du jazz ! Elle est en exergue sur l'ouvrage voulu par Christian Kitzinger, "Kitz" pour les intimes à l'occasion en 1991 du train du jazz qui a fait escale à Toulouse. Cet ouvrage "Jazz en Midi-Pyrénées" faisait référence jusqu'à ce mois d'octobre 2013, 22 ans plus tard où un des membres de l'Association pour le festival de jazz "Sim Copans" de Souillac : Gilles Gaujarengues signe un "état des lieux" que je vous engage à suivre pour les deux premiers épisodes sur
Comme notre amie Nighthawk l'écrivait en 91 dans son éditorial, "Jazz en Midi-Pyrénées" ne prétend pas être l'outil indispensable ... mais utile et agréable, oh, yeah !" Je salue le travail de Gilles Gaujarengues dont beaucoup de régions pourraient prendre exemple, oh, yeah !
Le jazz en Midi-Pyrénées est en perpétuel mouvement, et ce panorama en quatre volets en constitue une photo en un instant T, un cliché nécessairement incomplet mais qui permet d’explorer cette scène. Marciac en est la figure la plus visible mais Toulouse en est le cœur. Réservoir de musiciens, celui-ci irrigue la scène jazz dans la Région et au-delà. Qui joue quoi et où ? Gilles Gaujarengues
Un midi-pyrénéen, lotois de surcroît photographié par Bernard Delfraissy à Souillac en jazz cette année : Émile Parisien, je lui dédie ce petit papier, il sait pourquoi !
Robert Peyrillou

09 octobre 2013

Don't Fuck my Mind!


"Petit mais costaud" serait un slogan tout à fait approprié pour ce duo guitare/batterie. Car sur scène, le guitariste Stéphane Hoareau et le batteur Bertrand Lafarge balancent avec énergie les rifs électriques d'une musique qui dépote. C'est en effet un rock fait d'acier et de feu qui constitue ce duo. Sons saturés et réverbération accompagnent les mélodies d'une musique répétitive, agréablement obsessionnelle. Ainsi en est-il de "In two separate cup" (cf player). Les deux cordes graves en boucle, les cymbales explosives et les accords d'une guitare nucléaire nous transportent dans une espèce de rage presque expiatoire. Il y a, certes, des morceaux plus calmes dont la très belle revisite de "The man who sold the world" mais c'est la force brute de ce duo pourtant placide qui convainc. Sur la scène du café du Burgaud, devant un public très peu nombreux (et oui, nous étions... sept), ils ont mené tambour battant un projet dont on perçoit qu'il est leur coup de cœur. Ils ont cité Jarmush et repris Hendrix en rappel: deux esthétiques qui résument la très belle musique de the Dismiss.
Gilles