23 juillet 2013

Entretien avec Seb Necca

« Seb Necca, c'est vous, alors pourquoi ce nom de groupe?
Ce nom, parce que je suis à la tête du groupe parce que je suis celui qui a fait le plus de compos. Il faut que j'avoue qu’au départ je ne voulais pas du tout que le groupe s'appelle comme ça, parce que je trouve qu'il faut un égo surdimensionné pour nommer un groupe à son nom !

Comment en êtes-vous arrivé au jazz?
Je ne me suis jamais posé la question... Mon père jouait du piano depuis petit, je m'endormais avec la musique, donc la musique, c'est familial. C'est venu naturellement parce que rien ne m'a forcé [...] je pense que le jazz est une des musiques les plus riches. Je suis quand même attiré par d'autres musiques, je reste ouvert.

Quelles sont vos influences, vos inspirations?
L'inspiration c'est ce qui vient sur le moment, j'écoute peu de musique et je n'écoute jamais la radio je n'aime pas écouter la radio mais bon... Je dirais que je suis influencé par tout! J'emmagasine ce que j'ai écouté depuis longtemps et en fonction du moment et de ce qu’il se passe autour de moi… Moi j’écoute du jazz New Yorkais.


Avez-vous un modèle qui vous a poussé à faire ce métier là?
Pas vraiment en fait parce qu’il y en a plusieurs, en ce moment j’aime bien Kurt Rosenwinkel. Mes modèles jouent tous de manières différentes, c’est-à-dire qu’ils ont différentes attitudes, différentes manières d’écrire ou même ils jouent de la musique libre ou plutôt propre, claire.

Diriez-vous que vous jouez de la musique libre ou très réfléchie?
Toi tu dirais quoi puisque tu nous a entendus ce matin!

Je dirais que c’est une musique bien préparée, cadrée mais qui laisse quand même place à l’impro…
Voilà, nous jouons une musique très écrite et avec le temps (depuis 2009), lorsqu’on prend de l’aisance on la déstructure un peu.Je sais pas si t’as remarqué mais tout en étant structuré, notre groupe change c’est-à-dire que du début à la fin de la semaine, les mêmes morceaux peuvent paraitre totalement différents et c’est dû à notre capacité d’évolution sur le moment.

Vous avez déjà joué d'autres instruments que la batterie?
Oui j’ai commencé avec le violon, le tuba, la trompette […] D’ailleurs nous sommes tous multi-instrumentistes ici, assez polyvalents finalement. Mais j’ai choisi la batterie parce qu’elle me permet plus de liberté, personnellement c’est le meilleur moyen que j’ai trouvé pour faire passer ce que je voulais.

Quel adjectif vous qualifierait le mieux?
 Je vais t'en donner plusieurs... généreux, spontané et aérien!

Et enfin, avez-vous des projets d'avenir?
On va continuer comme aujourd’hui mais s’il y a un truc, on y va, on se laisse porter mais pas d’une façon oisive. Dans le futur certainement nous sortirons un deuxième disque mais c’est un peu prématuré, chaque chose en son temps. Pour l’instant on est à Souillac et c’est génial ! »

Rédigé et recueilli par Ève Mazet

19 juillet 2013

Les Jazzettes en ligne

Voici le lien vers le grenier aux Jazzettes !

http://jazzette.free.fr/2013/?M=D

Entretien avec Renaud Garcia-Fons


Vous venez jouer à Souillac votre projet « Solo », avec votre contrebasse. Pourquoi en solo ?
C’est très simple, c’est pour pouvoir faire écouter et entendre une musique différente de celles que je fais quand je joue avec des groupes. La contrebasse, c’est vrai, n’est pas un instrument tellement axé sur le solo ordinairement. Mais depuis que je travaille cet instrument, ça fait plus de trente ans,
j’ai développé des compositions qui contribuent à faire un concert solo qui soit tout public. Qui soit mélodique et qui soit attractif dans les types de musiques qu’il évoque puisque c’est un voyage à travers les musiques du monde. Pour certaines pièces, je m’aide aussi du sampling, c’est-à-dire d’autres sons de ma propre contrebasse.
Ce que je vais vous jouer là, c’est qu’on entend sur le cd dvd que j’ai enregistré en direct au prieuré de Marcevol  il y a un an et c’est vraiment concert tout public. J’ai eu l’occasion de le jouer dans le monde entier. Je reviens de Californie où j’ai joué le même programme. On l’apprécie justement parce qu’on entend une musique à laquelle on ne s’attend pas trop de la part d’une contrebasse.

Pouvez-vous nous parler de votre contrebasse, cet instrument qui donne vie à votre imagination et à votre poésie ?
Bien sûr je vais vous dire que c’est une contrebasse à cinq cordes avec un do aigu. Mais c’est une contrebasse dans sa taille tout à fait ordinaire. Elle a été construite par contre par un très grand luthier français qui s’appelle Jean Auray. C’est le troisième instrument qu’il m’a construit. Qui a la particularité d’avoir un manche démontable ce qui me rend pratique tout voyage en avion. L’instrument est très important mais je pense aussi que le travail de l’instrumentiste, l’aspect technique l’est aussi. J’utilise différents types : l’archet, le pizzicato et l’utilisation de différentes techniques fait de cet instrument une contrebasse à voies multiples.

Vous nous l’aviez dit, votre musique est le fruit d’un très gros travail. Pouvez-vous nous donner quelques idées de la manière dont vous travaillez ?
Bien sûr, c’est un long et patient travail de préparation, et je pense que beaucoup de musiciens sont dans ce cas là. Les gens voient un résultat et peut être certains ne se doutent pas… Mais je pense que quand même beaucoup Se doutent que ce sont des années, des mois de travail. Même sur un programme solo ce sont des mois de travail bien sûr.

Vous utilisez des boucles, du sampling : pouvez-vous nous expliquer comment vous faites et dans quel dessein ?
C’est le principe de l’enregistrement en direct et de l’écoute en direct tout seul. Petit à petit se rajoutent d’autres contrebasses mais, je dirais, j’ai calculé ça pour que ce ne soit pas quelque chose d’ennuyeux. C’est-à-dire que de manière générale, on fait des boucles on improvise dessus et puis point final. Dans mon cas, l’idée c’est d’arriver à faire de véritables orchestrations qui évoluent dans le temps et d’aboutir à des compositions à part entière. C’est plus qu’un simple agrément, qu’un simple gadget.

C’est écrit ?
Oui une grande part de ce que je fais en solo est écrite. Bien sûr il y a des parts improvisées mais dans l’ensemble c’est un projet extrêmement structuré et écrit, y compris les boucles.

Vous étiez venu jouer Arcoluz dans le cloître avec Kiko Ruiz et Pascal Rollando et tout le monde en garde un souvenir ébloui. Nous avions voyagé avec vous tout autour de la Méditerranée, dans un univers de lumière et de poésie. Est-ce un nouveau voyage que vous nous proposerez cet été ? où ? avec qui ? quelles sont vos sources d’inspiration ? vos influences ?
Là, à la différence du trio que vous aviez entendu qui était centré sur le flamenco sur la rencontre du jazz et du flamenco, ce répertoire est tourné vers les musiques du monde au sens large. Il part du monde méditerranéen pour aller vers l’Orient mais aussi pour aller en Amérique du nord et revenir en Europe du nord avec une évocation de la musique celtique. C’est un voyage au sens le plus large du terme et pas seulement centré sur la Méditerranée.

Et vos sources d’inspiration ?
Elles sont tellement multiples. Depuis que j’écoute de la musique, étant enfant, et vous voyez je vais avoir 50 ans, elles sont multiples, méditerranéennes, orientales, iraniennes, africaines, latino-américaines, d’Américaine du nord, avec l’évocation aussi blues, et aussi la musique celtique.

Dans le cloître, nous avions ressenti une parfaite adéquation entre votre poésie inspirée et la spiritualité du lieu. Vous allez jouer devant la majestueuse abbaye romane. Le site a-t-il une influence sur votre musique ?  sur votre inspiration ?
Oui C’est pour ça que j’ai souhaité enregistrer mon programme dans ce magnifique prieuré de dans les Pyrénées. Je pense qu’un lieu émet des vibrations auxquelles un musicien est sensible et ça se traduit par l’interprétation des pièces écrites et aussi par l’aspect improvisé. Le son d’un lieu aussi. Tout ça a vraiment une influence. Les murs, les pierres dégagent quelque chose, je ne saurais pas vous dire quoi, mais c’est quelque chose qu’on ressent oui.


Il était une fois…New York en jazz


Mais je rêve ! New-yorkaise de souche, j’ai été époustouflée lundi soir de retrouver ma ville natale sur le grand écran à Souillac, tout jazzifiée dans le beau film d’Olivier Taïeb, « Jazzmix in New York ». 

Certes, ce n’est qu’un étranger qui aurait pu faire un film pareil. Car le New York que Taïeb nous sert – à travers une cinématographie et une bande sonore délicieuses -- est une ville publique, dépourvue de la vie privée qui existe pourtant dans les grands immeubles d’appartements ou de bureaux. Son New York est parfois monstrueux et impersonnel, avec ses gratte-ciels d’acier et de verre, ses véhicules municipaux dégorgeant du dioxyde de carbone et son trafic interminable de taxis, camions et piétons. C’est une métropole industrielle, en perpétuel mouvement impitoyable, dont les décibels de la vie quotidienne semblent laisser les passants indifférents. Des passagers oscillant dans le métro au marché chaotique de Chinatown, ce New York est grumeleux et miteux, plein de néon et de grues. D’ailleurs tout semble avoir été filmé sous la pluie, ce qui mitige et à la fois augmente l’assaut écrasant sur les sens. 

Le New York de Taïeb s’étale dans toute sa diversité ethnique (on constate notamment beaucoup de juifs hassidiques), tous ses misères humains (la caméra suit un ou deux SDF dans leur train-train quotidien) et tous ses métiers incontournables (pompiers, agents de la circulation…). C’est vrai que Taïeb nous offre aussi quelques vignettes plus paisibles : des visages captés dans la foule, des amoureux sur un banc à Central Park, des feuilles d’automne, et les rivières qui entourent Manhattan, auxquelles survolent les inévitables mouettes. Mais l’effet prédominant, du moins pour moi, est celui d’une mégalopole à la dérive. 

Sauf – heureusement – pour tous les scènes filmés dans les huit clubs de jazz que Taïeb nous a judicieusement choisis. De Tribeca à Soho, en passant par Murray Hill et Harlem, il recourt l’île et parsème tout le bousculement de l’extérieur avec des prises de vue plus intimes de musiciens et de leurs spectateurs. La sensualité de ces prises à l’intérieur est à pleurer, car les caméramen (dont Taïeb lui-même) savent mettre en valeur les couleurs bourgogne, cuivre et noir du décor et des instruments musicaux. La caméra fonce avec amour sur les mains des musiciens, des doigts corpulents d’Anat Cohen sur la clarinette aux doigts élégants de Vijay Iyer au piano. Big smiles, big music, alors que les musiciens interagissent avec une délectation évidente. Résultat : une vision de New York parfois sévère ou peu flatteuse, mais qui rend aussi hommage à cette capitale fulgurante du jazz. 

On ne se rend même pas compte de l’absence de narration, qui est plutôt bienvenue, car de ce fait le film se fait plus universel et se prête à 90 minutes non-stop de rêverie. Sa magie réside dans sa capacité de faire jouer les correspondances baudelairiennes, où « les parfums, les couleurs et les sons se répondent ». Les morceaux de jazz se marient parfaitement avec les prises de vue : La prise incongrue de poissons d’aquarium aux grosses bouches entrouvertes, par exemple, est accompagnée de notes basses pour fournir une petite touche humoristique. 

Dommage que le cinéaste n’ait pu être parmi nous lundi soir, cause perturbations de train. Car j’aurais bien aimé lui poser toute une série de questions sur son ou ses séjours à New York, s’il le connaît bien, pourquoi il n’a pas traversé la East River pour aller documenter les scènes de jazz à Queens ou Brooklyn. N’importe : Olivier Taïeb, votre New York est sûrement différent du mien, mais de toute évidence vous adorez cette ville. Comme moi. 

Merci donc, M. Taïeb. Et merci, Souillac en jazz, pour nous avoir amené ce rêve ciné- symphonique.

                                                                                     --Erica

18 juillet 2013

Entretien avec Émile Parisien

Vous avez été choisi par Daniel Humair. Quel effet cela fait ?
C’est une expérience formidable de partager et donc de faire de la musique avec un musicien de cette ampleur qui a traversé tout un pan de l’histoire du jazz français et international. Il s’est produit avec tout un tas de musiciens américains dans les années 60. C’est un musicien formidable. C’est un honneur de partager la musique avec lui et avec les musiciens de ce quartet, avec Vincent. Ça fait deux ans qu’on joue ensemble. On a enregistré un premier disque. Chaque fois qu’on joue ensemble, qu’on a des concerts, c’est un vrai régal. C’est à chaque fois d’ailleurs une expérience différente parce que la musique peut bouger facilement avec lui ; il est très à l’affut de nos propositions, il propose plein de choses. Il dirait que c’est un groupe très démocratique : on participe tous beaucoup à la musique. Et c’est un état d’esprit que je trouve particulièrement bien.


Daniel Humair dit de vous que vous êtes très doué, que vous connaissez toute la musique. « Emile Parisien c’est certainement LE ou un des 3 ou 4 saxophonistes qui peut concurrencer aujourd’hui toute la scène américaine. Il a tout : il a une connaissance du jazz incroyable, et puis il a un style très personnel et c’est déjà très important parce qu’il se démarque de la scène américaine. Je l’ai entendu on a eu un contact formidable. D’ailleurs les deux solistes, Peirani aussi, ont un sens du rythme absolument incroyable. » Comment parleriez-vous de ce « style très personnel » qui vous démarque de la scène américaine ?
Je ne sais pas comment lui l’entend. De mon côté je ne fais pas attention à ce qui me démarque de la scène américaine. Ce n’est pas mon but de me démarquer de quoi que ce soit, je ne cherche pas à me démarquer. Ce que je cherche à faire, c’est à être le plus honnête possible avec mon instrument, et à raconter ce que j’ai à raconter. Ce qui compte, c’est la manière de dire des choses, avec mon instrument. Je ne sais pas à quel point c’est personnel. Je suis peut-être le plus mal placé pour en parler. Je n’ai pas de recul. Pour moi ce qui compte, c’est de pouvoir m’exprimer comme j’en ai envie, le plus spontanément et honnêtement possible. Et se démarquer, ce n’est pas une recherche particulière.





Pouvez-vous nous parler de Vincent Peirani et de Jérôme Regard ?
On se connaît très très bien, on a enregistré en quartet avec Daniel Humair sous le label Laborie. Entre temps on a fait pas mal de concerts depuis que ce disque est sorti. Même si on se connaît bien, c’est une musique qui nous laisse la possibilité de nous surprendre à tous moments. On a plein de choses à se raconter, à se dire. Les concerts ce sont des discussions ouvertes entre tous les quatre.

On se rencontre avec Vincent dans d’autres contextes, on a enregistré des disques en duo. Et en dehors du contexte musical, on est aussi de très bons amis. Avec Vincent, Jérôme et même Daniel. C’est très important pour la musique qu’on fait qu’on ait cette proximité ça contribue au plaisir qu’on a de jouer ensemble.

Vous avez reçu le Prix du meilleur musicien de jazz. Quel est l’impact de cette récompense ?
Ça fait plaisir, c’est une certaine reconnaissance. Mais, dans tous les cas, je ne fais absolument pas ce métier, qui est aussi ma passion, pour décrocher des prix. C’est loin de mon intention. J’ai été très surpris de me retrouver dans ce genre de contexte. Je pense que la musique n’est pas une compétition je prends pas mal de distance avec ce genre de situation. Ça fait plaisir, mais ça en reste là. Je n’ai pas envie d’aller chercher d’autres prix.


Vous avez d’autres projets, comme l’hommage à Ornette Coleman ou autour du Syndicate ; comment combinez-vous tous vos projets?
C’est stimulant et c’est toujours enrichissant de découvrir des compositeurs et d’essayer de leur rendre hommage tout en y mettant un peu du sien, un peu de sa personnalité. Le répertoire de ces gens là, Joe Zawinul pour le Syndicate ou Ornette Coleman, ce sont des monuments dans l’histoire du jazz. C’est intéressant de rentrer en profondeur dans des musiciens comme ça, de comprendre leur parcours, leur musique, de l’interpréter le plus possible sans dénaturer ces compositeurs et ces œuvres. Tout en y mettant un peu du sien. C’est enrichissant, vraiment.

Et vos autres projets ?
Je joue dans ce quartet, qui existe depuis bientôt dix ans. On va fêter les dix ans en 2014 et on a enregistré trois disques sous le label Laborie. On va en enregistrer un 4e pour fêter ces dix ans. J’espère qu’on fêtera les 20 ans.
C’est une histoire très très importante pour moi, qui m’a permis de jouer une autre musique, de découvrir l’univers musical dont je me sens le plus proche, qui est le plus proche de ce qu’on a à dire. Et c’est une histoire humaine formidable avec des musiciens incroyables : chercher des échanges, se remettre en question. Je suis très heureux d’ avoir réussi d’être allé déjà jusque là. Et je suis assez fier, j’espère qu’on ira le plus loin possible.
Quand on sort un disque, on fait une tournée avec pas mal de concerts, après on se repose un peu puis on part se nourrir de l’extérieur en participant à d’autres projets, en rencontrant d’autres personnes pour mettre au sein du quartet de nouvelles expériences. Puis après on retravaille, on réécrit de la musique et ainsi de suite.
Dans le cycle, aujourd’hui c’est la période où on va se remettre à travailler pour préparer un nouveau répertoire pour 2014.

Et vous qui êtes Lotois, que représente pour vous de venir jouer à Souillac ?
Le contexte a toujours été important et a agi sur la musique. Je suis allé à Souillac écouter des concerts, je me rappelle Archie Shepp il y a quatre ou cinq ans.
Je trouve le cadre magnifique, très fort et c’est très agréable de jouer dans ce genre de cadre. Ça fait plaisir. Il y a une âme et c’est très important. Ça agit certainement sur la musique, on se sent bien, on sent que les vibrations sont fortes. Je suis assez sensible aux lieux. Après, dans ce lieu, vous rencontrez un public. Tout ça crée une alchimie pour un concert.
Je suis très très fier et je suis ravi, étant lotois, de venir jouer à Souillac dans ce contexte de musique. C’est un concert particulier, ça fait vraiment plaisir de jouer dans le Lot.



(Réalisé le 25 juin par MFG au téléphone)














15 juillet 2013

Ulrike Hausmann à Souillac en vidéo

Un court aperçu de la belle prestation de Ulrike Hausmann ce matin sur la place Sim Copans




Allez! On ouvre

Ulrike Hausmann, sous le kiosque, pour une séance de boogie woogie en ouverture du festival sous un ciel bleu aux couleurs de l'été!

"La rue, j'adore ça"


Une saxophoniste leader, trois très bons musiciens, généreux et plein d’enthousiasme, adorent se produire dans la rue, jouer au plus près du public, l’accrocher et le convaincre qu’écouter du jazz, c’est un moment de détente et de plaisir. Marie Estrade, saxophoniste et clarinettiste, a l’enthousiasme contagieux.
Vous allez jouer dans la rue. Qu’est-ce que ça représente pour vous? 
La rue, j’adore ça. C’est l’endroit où on se rend le plus compte de l’impact qu’on a sur les gens. De voir qu’on arrive à créer des attroupements, une ambiance alors que les gens ne sont pas du tout préparés à ça et qu’on voit qu’ils sont très contents, c’est super. J’adore la rue! Je préfère avoir la rue que des dates dans des lieux pas toujours agréables. Quand vous marchez dans la rue, c’est que vous êtes pas si mauvais que ça! On est confronté à des situations pas communes, avec des gens qu’on ne connaît pas. On impose notre musique à des gens qui ne sont pas forcément acquis. D’arriver à créer une osmose avec des gens pas préparés c’est super!
Qu’est-ce qui peut être gênant dans la rue? 
Rien. Le bruit des voiture? Ça fait partie d’un jeu. C’est un ensemble de choses qui fait que justement c’est la rue. S’il n’y a plus ces critères, ce n’est plus la rue. Le son fait partie de ça, la proximité des gens, ça fait tout ça. Des contacts vraiment chaleureux, des gens qui viennent m’offrir de fleurs, qui viennent m’embrasser. Je trouve ça super, la rue! C’est plus fatigant, c’est une fatigue plus physique que quand on est sur scène. La scène est un lieu qu’on doit s’accaparer et on a une heure trente pour exploser. C’est plus difficile quand on doit bouger, il faut bouger le matériel. C’est différent. Les deux sont différents, ce sont deux contextes différents. J’aime autant l’un que l’autre.
Et le répertoire de Bluemary Swing? 
Notre répertoire est assez large. Comme je suis clarinettiste et saxophoniste, on essaie d’avoir un répertoire éclectique. On joue aussi bien Piaf que Charlie Parker, Dave Brubeck, Nougaro, du swing manouche ou du bop. On joue ce qu’on aime toujours avec la couleur Bluemary Swing. On essaie de jouer notre couleur.
Et quelle est la couleur Bluemary swing? 
C’est une couleur qu’on a réussi à créer. Je ne sais pas la définir, c’est une envie de partage.
Comment choisissez-vous les morceaux? 
On a un répertoire établi et en fonction du climat, des gens devant nous, on va jouer plus tel ou tel morceau, parce qu’on sent que les gens attendent ça. Il y a des endroits où on ne va pas jouer du Ron Carter mais du jazz festif. Et des endroits où on va jouer Ron Carter ou "Bluesette" de Toots Thielemans, un jazz plus travaillé parce que le gens attendent ça.
Comment est née votre formation? 
Le duo [Marie Estrade (s) et Marc Estrade (g)] est ancien. Marc est totalement autodidacte. S’ajoutent des rencontres. On a la chance de jouer ave un trompettiste qui sera pendant deux jours à Souillac, Claude Mirandola. C’est un monstre! Quand j’ai entendu ce type j’ai pleuré. C’était vraiment magnifique! On joue également avec un batteur, Auguste Caron, qui est un petit monstre, très fin. Il est partout. En plus comme il est pianiste, il a une belle connaissance de l’harmonie. Il entend tout, il est fin, c’est un batteur fou. C’est une belle rencontre. Notre formation est née de belles rencontres.
C’est un peu notre thème cette année, la rencontre intergénérationnelle, avec Portal et Peirani… 
C’est magnifique d’avoir l’occasion de pouvoir écouter des gens comme ça et même de les rencontrer. Je sais qu’il y a des bœufs, alors de jouer avec eux… On est super contents! On va être bien claqués, parce que des dates on en a tout l’été.
Que représente pour vous le festival de jazz de Souillac? Quelle image en avez-vous? 
J’ai une image de plein de gens de bonne volonté qui sont amoureux de la même chose, c’est-à-dire du jazz, et qui ont réussi dans un tout petit bled à faire un truc qui monte. Bien sûr ce n’est pas Marciac mais vous faites venir de super têtes d’affiche. Apparemment c’est une belle ambiance, les gens s’entendent bien. C’est une récompense de pouvoir participer à des choses comme ça. C’est une récompense parce que de grands musiciens, parce que des rencontres, parce que tout le monde n’y joue pas. Je suis fière. Quand on me demande où vous vous jouer cet été, je dis au festival de Souillac, bien sûr.
Et puis vous savez c’est un lieu qui est même intimidant pour nous. L’année dernière, il y avait Omar Sosa... Et puis d’avoir eu la délicatesse d’avoir mis, même en petit, les musiciens qui sont en off sur la même affiche que ceux qui sont sur la grande scène, je trouve que c’est délicat de la part de tout le monde et du coup c’est encore plus intimidant.
Vous voulez ajouter quelque chose? 
Non sinon que j’ai la trouille et que j’espère qu’on va faire cinq jours de fou et qu’on va mettre le feu à Souillac et qu’on va tout réussir. La seule envie que j’ai c’est ça.
Du repas du marché de producteurs le mercredi soir au dimanche midi à Lamothe Timbergues, Bluemary Swing enchantera les places et les terrasses jeudi à 11h30 place des Toiles et à 18h30 allées Verninac, vendredi à 11h30 allées Verninac et à 15h30 place du Beffroi, samedi à 11h place du Puits et à 17h allées Verninac.
Marie-Françoise

14 juillet 2013

"C’est un événement qu’on attend avec impatience"

Dans les rues, aux terrasses, sur les places, on entendra de l’afrojazz. Guillaume Foissac et Cédric le Feur expliquent le pourquoi de cette musique.
Votre formation s’appelle l’Afro Jazz Quartet? Pourquoi afro?
Guillaume: c’est une formation qui a cinq-six ans et qui a été en partie fondée par le bassiste Armel Gbaguidi qui revient du Bénin. De là est née notre volonté de monter une formation avec des influences des rythmiques africaines et de la musique plus traditionnellement jazz. La teinte rythmique liée à la musique africaine perdure dans les compositions et dans les reprises.
Comment est née cette la formation?
Cédric: elle s’est constituée en plusieurs étapes. J’ai rencontré le bassiste et le batteur dans une autre formation où nous jouions ensemble, une formation plus rock. Tous les trois on avait  envie de constituer une formation plus jazz. On a donc monté le groupe tous les trois et Guillaume est arrivé plus tard. 
Et quel est le répertoire de l’AFJ Quartet?
Cédric: le répertoire assez vaste, avec des compositions dans l’esprit du jazz avec des influences africaines rythmiques et puis des reprises. Avec parfois des morceaux de jazz qui ne sont pas des plus connus, qu’on reprend, qu’on essaie de faire à notre sauce. Il y a fifty fifty de compositions et de reprises. Avec le temps, on s’est ouvert à des sonorités plus funk, plus rock mais teintées de la base jazz.
De quelles influences jazz vous revendiquez-vous?
Guillaume: celles de Richard Bona, par exemple, qui a une approche musicale de mélange culturel. On a de vrais gros standards, assez peu, mais quelques-uns  qu’on transforme en afro, comme une reprise de Take five qui est un peu spéciale, très différente. On aussi des influences du funk, comme Nils Langren. On tient à garder l’énergie qui caractérise le groupe; c’est l’énergie de l’afro, l’énergie du funk et l’énergie issue de la bossa aussi. 
Cédric: on joue des standards. On joue Caravane, Summertime et d’autres airs très connus. Mais on joue aussi d’autres peu connus comme ceux d’une formation Deep organ trio, un trio de génie beaucoup moins connu; on joue aussi un morceau, Mirage, de Bill Coban. De Richard Bona et Watanabé, on reprend un morceau qui ne fait pas partie des plus connus qui s’appelle Bona panda.
Vous allez jouer dans la rue. Qu’est-ce que ça représente pour vous?
Guillaume: on essaie d’avoir une musique entraînante, ce n’est pas dansant mais entraînant. On essaie de faire entrer les gens dans la musique par le caractère entraînant de nos morceaux. Nous jouons certains morceaux où nous faisons participer le public. Ce sont des morceaux  avec des parties très rythmiques; on distribue des partitions au public pour qu’il entre avec nous dans la musique. On crée des interactions; c’est très vivant. Nous voulons aller au contact de gens. On n’est pas dans un jazz très technique mais on essaie d’offrir une grande accessibilité à notre musique. Ce sont des choses très simples, joyeuses, entraînantes. 
Cédric: on met une énergie dedans, parfois rock, funk ou d’autres qui viennent du jazz et on espère que les gens qui passent taperont du pied. On n’a pas d’inquiétude, c’est un rapport qui nous plaît beaucoup. Dans la rue on a quelques expériences; ça a toujours plutôt bien marché.
Que représente pour vous le festival de jazz de Souillac? Quelle image en avez-vous?
Cédric: le festival de Souillac, c’est un très beau festival. Il y a une très belle affiche. J’ai regardé tout l’historique de la programmation. C’est super chouette. On a déjà essayé d’y participer l’année dernière. Ça n’avait pas pu se faire. Maintenant c’est un événement qu’on attend avec impatience. Moi personnellement, j’y associe le soleil (je croise les doigts), une bonne ambiance, un beau paysage, un très bel événement et un très beau festival. 
Guillaume: je dirais la même chose que Cédric avec en plus le caractère local. Je suis originaire de cette région. Je connais très bien ce pays. Je connais très bien les gens et les habitudes. C’est un territoire qui est familial pour moi. Donc c’est un endroit particulier. Pour moi c’est encore plus fort que si je pouvais faire un festival encore plus gros. Toute ma famille qui va pouvoir nous écouter. On vient chez eux les voir. J’ai très hâte aussi de faire découvrir ce pays aux autres musiciens du groupe qui ne les connaissent pas.
Venez participer aux spectacles de l’Afro Jazz Quartet jeudi à 11h place de la Halle et à 15h30 allées Verninac, vendredi à 13h place de Toiles et à 18h30 allées Verninac, samedi à 12h30 place du Beffroi et à 15h30 place de la Halle.
Marie-Françoise

Le sermon du boogie woogie

Accueil des journalistes à l'aéroport de Brive en musique au son du boogie woogie par la pianiste Ulrike Hausmann.

13 juillet 2013

Ecouter des mélodies

Sébastien Necca compose pour son quartet, le Seb Necca quartet, constitué, d’un contrebassiste, d’un vibraphoniste, d’un saxophoniste et de lui-même, batteur. Le vibraphone apporte la couleur bien particulière des sonorités qui le caractérise. Voici quelques précisions données par Sébastien Necca.
Vous venez jouer au festival de Souillac et vous pouvez me dire ce que représente pour vous votre participation à ce festival en tant que musicien et pour votre formation ?
Déjà, on est super contents. Parce que des festivals qui commencent à être connus et reconnus ne sont pas nombreux à faire confiance à des formations et des musiciens comme nous, qui ne sont pas hyper connus, qui n’ont pas de label, qui ne sont pas avec des tourneurs. Du coup c’est une chance de venir sur des événements comme celui-ci.
Par rapport à la formation, pour nous en plus, ça nous permet d’être trois jours dans un même endroit, à jouer tous les jours. Le niveau du groupe va en fait monter. Quand on fait trois quatre jours de suite de concert, on progresse forcément. Donc c’est que du bonheur!
Et de jouer dans la rue ? Sur les places ? En acoustique ?
Personnellement je trouve ça vachement bien. J’aime beaucoup ces conditions. C’est toujours un peu compliqué de jouer avec une sono sur une grosse scène. Quand il y a tellement de monde, on ne joue plus pour des gens mais pour une foule. Du coup, jouer en acoustique, dans la rue, au contact des gens, c’est très agréable. On en a déjà fait l’expérience à Aix en Provence et ça nous avait beaucoup plu. On doit être très concentré, plus attentif, plus à l’écoute et on se rend compte que le public aussi est plus à l’écoute. Comme ce n’est pas sonorisé, les spectateurs se permettent moins de choses et donc, sont plus attentifs.
Vous allez jouer devant un public qui n’est pas forcément amateur de jazz.
Je trouve ça bien. On a l’avantage de faire une musique assez accessible pour le gens. On n’a pas le problème d’une musique trop intellectuelle. Si les gens viennent après le spectacle nous dire « c’était bien » ou « c’était pas terrible », ce sont des avis qui vont avoir de l’importance parce que c’est un public neutre en jazz.
Quelle musique jouez-vous ?
Mettre la musique dans des cases ce n’est pas facile : on peut dire que c’est du jazz fusion, du jazz moderne. Mais tout le monde peut y trouver quelque chose, de la musique classique, de la musique très rock an d roll, africaine, ethnique. C’est un peu un mix de tout ce qu’on a écouté. On peut dire que c’est quelque chose comme du jazz moderne et  à l’intérieur il y a d’autres choses. J’essaie de faire en sorte que les mélodies soient très chantantes pour ne pas faire quelque chose de trop cérébral, de trop difficile à digérer de prime abord. L’écriture et la composition sont des moments un peu particuliers, des moments personnels qui vont résonner de manière différente en fonction de celui qui écoute, de quand il écoute, où il écoute et dans quel contexte il écoute. Et ce qui se passe, c’est que des gens pas amateurs vont bien aimer les mélodies et celui qui est plus habitué au jazz va entendre la mélodie et derrière il entendra des harmonies plus riches et des choses plus fines rythmiquement. Je laisserai les autres définir la musique.
Le Seb Necca Quartet proposera son spectacle les jeudis, vendredis et samedis aux terrasses et sur les places de Souillac. Comme le dit le musicien : « Que du bonheur ! »
Marie-Françoise

12 juillet 2013

On va jouer à notre façon des standards de jazz

Guitariste de Ad Hoc, Bob Neal explique comment et pourquoi sa formation va jouer du jazz dans les rues de Souillac. Ad Hoc sera sur la place Pierre Betz mercredi au repas jazz (associé au marché de producteurs) et jeudi place du Puits à 18h. Quelques mots pour avoir un avant-goût du spectacle.

Vous allez jouer à Souillac, vous qui êtes souillagais. Comment vous sentez-vous à l’idée de jouer du jazz dans les rues de Souillac pour le festival de jazz?
Ça fait un peu drôle parce que ça fait plus de 15 ans que je fréquente le festival de jazz. Ça fait beaucoup plaisir d’y jouer ça me rend un peu fier.
Et jouer dans la rue?
On a l’habitude, on joue souvent pour le gens qui sont à table; donc on est dehors, sur les terrasses. Jouer dehors l’été ça a toujours été un plaisir. Attirer le public n’est pas plus difficile dehors. Ce ne sont pas les circonstances d’un concert. Les gens ne sont pas venus pour nous, ils sont là pour le plaisir d’y être; on va agrémenter leur séjour sur les places et les rues. On va jouer sur la place Betz le mercredi soir pour l’apéro du repas. On va aussi faire la tournée de la crèche, de l’EHPAD. On n’est là que le mercredi et le jeudi. Notre violoniste, Roberto, vient exprès pour jouer au festival de jazz, parce que ça lui plaît bien aussi.
Votre répertoire n’est habituellement pas jazz. Comment l’avez-vous adapté?
C’est Gilles qui nous a contactés et qui a demandé qu’on joue quelque chose de plus jazz. Et comme Jane est une grande amatrice de chanteuses de jazz, c’est elle va être en vedette. On va jouer à notre façon, acoustique, comme on fait d’habitude pour la pop anglaise, des standards de jazz de tous les pays, un peu de tout. On ne va pas faire du New Orleans; on va faire de la chanson, des standards de jazz des années 40, 50, 60, comme Billie Holiday et des choses comme ça. On est vraiment ravi d’être là.
Que représente pour vous le festival de jazz de Souillac?
Moi je suis Anglais, et je suis arrivé à Souillac il y a 25-30 ans. Ça fait 25 ans que je fréquente le festival. Je travaillais avec Jean-Louis Massaud et c’est lui qui m’a amené la première fois au festival de jazz. Lui comme moi nous ne connaissions rien en jazz et on faisait notre éducation jazzistique pendant le festival. Moi qui suis amateur de musique, j’ai toujours aimé découvrir des choses au festival. Le festival de jazz de Souillac c’est un monument pour moi, c’est un monument musical qui m’a ouvert énormément de voies que je ne connaissais absolument pas. Je fais un point d’honneur de ne pas écouter les musiciens que je ne connais pas avant de les voir sur scène. Il y a eu de grandes découvertes, notamment e.s.t. et, plus récemment il y a eu Renaud Garcia-Fons qui revient cette année. Donc être sur la même affiche que Renaud Garcia Fons, c’est une grande fierté. Quand vous nous avez demandé de venir, on a dit que, évidemment, on jouera avec plaisir, qu’on ferait n’importe quoi pour faire ça. C’est le festival de notre ville.
Marie-Françoise

10 juillet 2013

Le principe c’est d’être dans la musique - entretien avec Olivier Taïeb




Avec Jazzmix in New York, c’était la première fois que vous faisiez quelque chose autour des lieux du jazz?
C’est une première à plusieurs titres puisque les concerts de New York sont mes premières réalisations de concerts de jazz. Par contre j’avais fait auparavant un portrait de 26 minutes de Faton Cahen, qui était notamment le pianiste du groupe Magma et qui m’a initié au jazz. Ça c’était ma première approche du jazz. Jazzmix est né de la rencontre entre le producteur Amos Rosenberg et Reza Ackbaraly le diffuseur de Mezzo. Ils souhaitaient créer un festival itinérant qui capterait l’avant-garde du jazz d’une cité. Le premier festival a été créé à New York. Je travaillais auparavant beaucoup avec Amos Rosenberg. On a fait un concert d’essai à Paris et on a décidé ensuite de faire Jazzmix. C’était une sorte d’exploit car on a tourné en huit jours dans huit clubs, huit genres de jazz différents. C’était un beau pari, une belle aventure car ce n’était pas gagné d’avance. Un an après, et c’est une première mondiale, est sorti un coffret, un Blue Ray, où il y a 469 minutes de jazz. Les huit concerts sont dans ce Blue Ray qui a été nominé aux Grammy Awards. Mon producteur voulait faire une projection de lancement et m’a demandé de mettre des extraits musicaux. Je ne sais pas ce qui m’a pris mais je suis parti à New York où j’ai tourné des images supplémentaires et j’en ai fait un film. Jazzmix est né comme ça.

Vous avez ensuite poursuivi l’aventure puisque vous venez de réaliser un film autour du jazz en Israël?
Il y a eu d’abord Jazzmix in Istanbul en 2010 et, en 2012, Jazzmix in Israel. C’est le concept de festival itinérant. On va dans une ville et on filme l’avant-garde du jazz dans cette ville. Il y a aussi la notion de salles. Ça va du petit club, très modeste, au club très prestigieux ou à la grande salle. Avec une configuration de base, il faut qu’on puisse s’adapter à plusieurs situations. En termes de groupes, ça peut aller du trio au Big Band. C’est une difficulté à gérer.

Lorsqu’on filme un groupe comme vous le faites, j’imagine que ça nécessite auparavant de l’avoir écouté et réécouté pour savoir dans quelle configuration on va filmer.
Non. Pas du tout. C’est là la spécificité de nos concerts et de nos réalisations. J’en suis très fier. Il n’y a pas de répétition, juste une petite balance. On a beau écouter sur internet, acheter les CD ou quoi que ce soit, sur scène c’est radicalement différent. Des fois même, ce sont des premières. Donc on est dans la même position que les jazzmen, on est dans l’improvisation. C’est la force du truc. On prend beaucoup de risques et ça implique d’avoir de très bons cadreurs. Moi, j’ai besoin d’avoir de très bons cadreurs qui puissent exécuter les ordres très très vite. D’ailleurs filmer autrement ne m’intéresse pas. Je préfère être sur la corde raide, gérer ce qui se passe sur scène et comprendre très vite ce qui se passe musicalement pour devancer et placer mes caméras au bon endroit. Le principe de Jazzmix c’est d’être dans la musique. Si vous regardez tous les Jazzmix, il n’y a pas d’effet, pas de décadrage. Tout doit être à la hauteur des musiciens. Tout doit être très propre. On ne peut pas perdre la notion musicale. Quand on fait des effets, on n’est plus dans le jeu, on est dans autre chose, on est dans l’image. Alors que là, la base c’est la musique.

Et le son? 
On a un très bon ingénieur du son qui s’appelle Martin Descombels. Il sonorise les concerts. C’est un véritable exploit car des fois on est dans des salles où il n’y a rien. Donc c’est à lui de tout faire. Il faut aussi capter l’ambiance des salles. Il y a des ambiances qu’il faut sentir et restituer. Et chaque scène est différente. Le principe de Jazzmix c’est de montrer par de petites images où se déroule le concert. Chaque salle a son ADN parce qu’elle est placée dans un quartier précis, avec un public différent. J’essaie de repositionner la salle de concert là où elle se situe dans la ville.

Si vous votre démarche est dans l’improvisation, quelle est la place du montage? 
Pour les concerts, j’ai eu quatre monteurs. L’idée c’est d’être là où ça se passe, là où l’action se passe, là où la musique se déroule. Si on a capté le coup de cymbale, c’est le coup de cymbale qui va m’intéresser. C’est d’être dans la musique. Là aussi, pas d’effets, très peu de fondus. Il n’y a qu’un concert où il y a des fondus parce que c’était un concert qui permettait de le faire. Et puis le monteur l’a fait très bien et à bon escient. Il faut être le plus précis possible et saisir la part de dialogue qu’ont les musiciens entre eux. Il faut aussi saisir la joie et le plaisir que les musiciens ont à être sur scène. Donc les regards, les sourires, les moments où ils se surprennent, les moments où ils se soutiennent quand il y a un solo. Il s’agit de tout capter mais en étant très rigoureux et très précis. Je n’accepte pas qu’il y ait un petit mouvement de caméra qui ne soit pas assumé. On doit assumer tous les mouvements et tout ce qui est à l’écran est assumé.

Ça suppose alors de se demander qu’est-ce que verrait un spectateur?
Exactement. Mon principe c’est d’être comme si le spectateur est dans la salle, dans le club. Il y a de bons concerts filmés avec des mouvements de grue, des travellings, mais c’est de la mise en images d’un concert. Moi, c’est l’inverse. Je ne cherche pas à faire de la mise en images mais une immersion dans le concert. Je suis un adepte du détail. Saisir un doigt sur une contrebasse et voir comment les cordes vont réagir ou le coup d’une baguette, c’est ça qui m’intéresse. C’est le microcosme et le macrocosme.

Les salles, les clubs, les formations ont accepté facilement?
D'abord il y a une sélection du programmateur de la chaîne Mezzo qui n’est pas de mon fait. Moi je fais avec ce qu’on me donne et des fois il y a des surprises. Par exemple pour le concert de Jason Lindner, lorsqu’on est arrivé pour s’installer, le club était en travaux. Il y avait des gravats partout et la balance s’est faite dans les gravats. Et le soir, avant le concert, tout a été rangé et on a le résultat qu’on a. La sélection, c’est le programmateur. Après c’est le travail du producteur qui va négocier avec les agents et les groupes pour que le concert ait lieu et qu’on ait l’autorisation de filmer.

Les gens qui ont été filmés ont vu les films? Et quelles ont été leurs réactions? 
Oui, ils les ont vus. Généralement ils sont très contents. On leur donne les concerts filmés pour la plupart et ils en font ce qu’ils veulent mais, bizarrement, peu les ont mis en ligne sur leurs sites. Et on trouve encore des vidéos tournées au téléphone portable! Quoi qu’il en soit, on n’a eu aucun retour de concerts filmés mécontent. En Israël, ça a même été dithyrambique. On a d’ailleurs eu deux T dans Télérama ce qui est très rare et c’est une grande fierté.

Quelle salle à New York vous conseilleriez?
Il y en a une que j’adore, c’est le Zinc Bar. C’est la salle où il y a le Big Band de Jason Lindner. En fait, ça dépend des soirs. Des fois il y a du monde, des fois il n’y a pas de monde. Mais c’est une salle avec un très beau bar. C’est un endroit très convivial. C’est une salle qui bouge, qui participe. D’ailleurs dans le film du concert, à la fin, les gens dansent. Il y aussi le Jazz Gallery. Ça se passe dans une galerie d’art. C’est très particulier. Sinon il y a le Poisson Rouge qui est une superbe salle avec des programmations vraiment superbes. Après il y a des salles dans lesquelles on a tourné et qui n’étaient pas spécialisées dans le Jazz. Sinon, je conseille aussi le Nublu à New York. C’est une salle tenue par Ilhan Ersahin. Cette salle est géniale parce qu’il y a toujours un concert, un set de DJ. Je crois que c’est une salle qui ne ferme pas. Et ce qui est génial c’est que, tard dans la nuit, les musiciens viennent faire le bœuf.

Pour les concerts que vous avez filmés, que ce soit à New York, à Istanbul ou en Israël, est-ce que c’était des musiciens que vous connaissiez auparavant?
Pour la plupart c’était des découvertes.

D’où l’idée que c’était encore plus improvisé alors?
Quand on me donne le dossier, je vais voir, je vais écouter. Ce n’est pas à cent pour cent des découvertes mais quand on arrive dans la salle, ce n’est jamais un disque que j’ai écouté. Des fois c’est radicalement différent. Je ne me fie plus à ce que j’écoute avant. Même si je continue à écouter avant pour me faire une petite idée, pour voir s’il n’y a pas de surprises. Mais, généralement, il y a des surprises. Au Babylon, il y a eu un rappeur qui n’était pas prévu. Il y a toujours des choses comme ça. Par exemple, le pianiste se lève et se met à taper sur le piano. Nous, on essaie de ne pas se faire battre. Car ça va très vite. Pour le film, le but c’est de prendre le meilleur musicalement et le meilleur à l’image. Des fois, vous loupez un morceau car il y a des salles difficiles. Il faut s’installer. Le plus important, c’est commencer, c’est le placement des caméras. Une des spécificités de mes réalisations, c’est que chaque caméra travaille. Il n’y a pas de caméra qu’on laisse au fond en sécurité. Donc chaque caméra doit pouvoir faire aussi bien du plan large, du plan moyen, du plan serré, voire du très gros plan. Il faut croiser toujours les axes. Il y a beaucoup de concerts où on ne veut pas prendre de risques, où on laisse toujours une caméra sur un musicien. Là non.

Qui décide qu’à tel moment telle caméra fait un plan moyen ou un plan large?
C’est moi. Je suis en régie avec un écran partagé avec toutes les caméras et je donne des ordres. 

A l’issue d’un concert, vous devez être lessivé? 
Je suis lessivé, les cadreurs sont lessivés. Moi, je n’ai plus de voix, parce que je crie, je saute, je fais des bonds, je suis en état de transe presque. Parce que je suis plongé dans la musique. Avant de faire de la réalisation de concerts, j’ai été pendant des années cadreur de concerts. On me confiait souvent la caméra sur scène. Généralement, c’est le plus calme, le plus précis, le plus artistique qui est sur la scène. C’est lui qui va chercher des plans par en-dessous, différentes profondeurs de champ. Il doit pouvoir décrypter des ordres très rapidement. C’est un travail épuisant. Généralement, mes deux meilleurs cadreurs sont sur scène et en face. Le cadreur qui est en face, c’est mon pompier. Il devance mes ordres. Il passe très vite du plan serré au plan très large. Il va chercher à droite et à gauche. C’est lui qui va assurer la continuité du concert. Et moi, je tape sur la table, je donne des ordres et si je suis dans cet état là c’est que le concert est bon. Le dernier concert de Jazzmix in New York, on ne voulait pas le faire et ça a été un des plus beaux du film. Ça a été le meilleur concert de l’année aux Etats-Unis. Et là, j’étais carrément en transe. Et ça se voit dans la réalisation. Ça va très très vite et en même temps j’ai dû ralentir la réalisation tellement ça allait vite. Les cadreurs ont atteint un summum pour certains.

En ayant cette expérience récurrente de filmer des concerts est-ce que aujourd’hui vous arrivez à voir un concert sans penser à l’image?Sans penser à la manière dont vous le filmeriez ou vous prendriez une photo?
Il y a toujours un moment où je me dis que je mettrais la caméra ici. Mais ça va même plus loin car même en écoutant un disque, je pense à la manière dont je réaliserais le concert. Il faut dire aussi que je me suis inspiré des concerts des années 1950, 1960 et 1970. Pas ce qui a été fait dernièrement. Donc j’ai regardé comment on a tourné Coltrane, Miles, Stan Getz. Quand on voit une bonne réalisation à un moment donné, c’est qu’on ne sait plus combien il y a de caméras et où elles sont. Quand je revois mes concerts, je n’arrive pas moi-même à comprendre comment cette caméra a fait ça. Et comment ça se fait qu’elle ait fait ça tout de suite après. J’ai oublié le processus parce que je suis dans un état fort. Dans les concerts filmés des années 1950, avec ces très grosses caméras, à un moment donné je ne comprenais plus où étaient les caméras. Ça va très vite et là c’est un bon signe. C’est vivant, c’est rapide et on est dans la musique. Il y a de très bons concerts mais où on voit toujours le premier plan sur le pianiste, toujours le même plan sur le machin et après on s’arrange on montage mais c’est trop sécurisé. Pour moi, la prise de risque fait partie de la réalisation. C’est vraiment un parti pris. C’est pour ça que j’ai besoin de très bons cadreurs.

L’équipe avec laquelle vous avez travaillé pour Jazzmix in New York, c’était la même équipe que pour Istanbul et Tel Aviv?
Il y a une équipe de base. Après on travaille toujours avec des cadreurs locaux. A New York, j’ai eu deux cadreurs exceptionnels, Grégory Brault et Frédéric Menou. Et il y a toujours un garçon qui s’appelle Tristan Lagorce. Très jeune et d’entrée, il a pris la direction technique des concerts. C’est lui qui a installé tout. C’est lui qui a fait les câblages. Je lui donne les places des caméras et il s’occupe de tout. Il monte ma régie. Et c’est un très très bon cadreur. Lui, il est de toutes les aventures. Après, il y a Martin Descombels au son. A New York et Istanbul, il y avait Thierry Desjours en directeur de production et Aurélie Nicole, en assitante, qui a avec un talent dingue. Avec Martin, on arrive toujours quelques jours avant pour faire du repérage des clubs. Voir la salle, voir s’il y a des problèmes. L’équipe arrive ensuite et tourne. Il y a ensuite Amos Rosenberg, le producteur et après il y a aussi Ugo Tsvetoukhin qui vient de plus en plus sur les concerts. C’est une équipe très soudée, avec une bonne ambiance. Le plus important c’est le premier concert. Parce qu’il donne le ton. Ce concert est capital. Et puis il y a un assistant qui travaille la nuit et qui fait les back up. C’était Nicolas Kustawka Justman à New York et sur les autres Daniel Goriounov. C’est un travail super important dans lequel il faut être vachement méthodique.

Comment se fait le montage? 
Il y a un monteur qui récupère les montages et fait une première version. Ensuite, moi je passe derrière. Je travaille avec le même monteur Julien Roland qui me connait parfaitement. Donc maintenant ça va très vite. Et puis on réétalonne tout le concert. Ça se passe toujours chez le même étalonneur, Christophe Boula. Et après, j’ai une troisième phase de travail où je recadre les plans, pratiquement tous. Parce qu’il y a des histoires de proportions. Je n’aime pas qu’il y ait trop d’air à droite ou à gauche, en haut, en bas. Je ne l’ai pas fait pour New York. Mais à partir d’Istanbul, je les ai refais sur tous les concerts pour qu’il y ait une unité dans le concert.

Pour un même concert, est-ce que vous voyez des concerts différents à chaque étape de la fabrication d’un film?
Oui, mais j’ai peu de surprise au final. A la fin d’un concert, on sait si c’est un bon concert ou non. C’est très évanescent mais on le sait. J’ai des souvenirs évanescents après le tournage et c’est au montage qu’on découvre plus le concert. C’est là où on voit s’il y a des problèmes. Ils peuvent arriver parce qu’on est dans l’excitation. Et puis il faut gérer la lumière. Il y a des concerts où on ne gère pas la lumière. Et là, c’est la catastrophe. Le pire ennemi, c’est le type qui nous fait la lumière. Quand on a fait Omar Sosa en Afrique, sur le dernier morceau il est en sueur, après deux heures et demi. Il est en transe, dans un super délire et, à l’image, il est tout vert. C’est Hulk et j’ai dû tout jeter.


Gilles