02 novembre 2013

La poésie sans concession de l'Impérial quartet


Quand on écoute pour la première fois Slim Fat de l’Imperial quartet, il vaut mieux s’accrocher à sa chaise. En un mot, ça secoue fort. Les saxophones sonnent comme la batterie ou la basse. Et réciproquement. Les phrases sont à la fois rythmiques et harmoniques. Les chorus structurent l’ensemble, et on ne sait plus si les solos servent ce groove qui déménage ou l’inverse. A l’instar de "D&G", les quatre musiciens développent un motif, le déclinent et, progressivement, un saxophone s’en émancipe dans une série d’envolées mélodiques. Tout semble s’arrêter sur une guimbarde qui sautille avant que la batterie n’ouvre une nouvelle voie. Balayé le folklore moderne, place à la transe. La musique est obsessionnelle, les sons triturés. Tout est en même temps main droite et main gauche. On frise bien entendu la dissonance mais il s’agit d’un délicieux aigre-doux. A moins que ce ne soit une folle épopée dans un univers onirique? Ainsi pourrait-il en être de ces abeilles qu’on suivrait volontiers dans leur quête de pollen. On les accompagne de fleurs en fleurs, et la musique nous donne à voir chaque geste, chaque muscle de l’insecte dans un souci de précision macroscopique. Mais de ces images, rien n’est tout blanc, ni tout noir. On les imagine volontiers complexes, denses, profondément riches.
En fait, il s’agit d’une machine fantastique que cette lessiveuse de notes, de rythmes, de rifs. On en sort tourneboulés, hirsutes, électrifiés. Car les musiciens nous font partager leur univers de sueur, de douleur, d’espérance et les balades, même la très belle "Château-Cheval" qui clôt l’album, ne nous permettent pas de reprendre la respiration. On ahane, on suffoque devant tant d’énergie. Quelquefois, perce une touche d’humour comme dans l’introduction western de "Country Joe". Mais c’est un album sérieux que ce maelström savamment organisé et délicieusement orchestré. Des clins d’œil? Peut-être mais ceux-ci sont de fer et de feu. Car, dans Slim Fat, on ferraille musique. Le bon, le mauvais goût, tout ça est un peu trop consensuel. Il n’y a heureusement pas de concession dans cette esthétique d’à-coups et de chicanes, hantée par une mélopée lancinante. Les phrases courtes, brèves, entre virgules, mettent en branle une mécanique géniale. Elles sonnent comme des injonctions car elles ont à voir avec une énergie vitale. C’est peut-être pour ça qu’on ressort haletant de cet univers de sensations fortes?
Gilles