31 mai 2013

Une musique belle comme un rêve de métal

La première impression lorsqu’on écoute A voir de près de l’Impérial quartet, c’est d’avoir face à soi une fulgurante mécanique. Peut-être parce que les quatre instrumentistes impulsent avec puissance chacun des onze morceaux qui constituent ce premier album? Les sons graves de la basse électrique, les rifs délibérément suppliciés, les accélérations soudaines, le groove impeccablement torturé, chamboulé, tout cela y contribue. Mais c’est une esthétique froide comme l’acier qui caractérise d’abord ce disque. Les torsions et les distorsions, les notes réverbérées en autant de sons tubulaires nous glacent délicieusement, à l’instar de la "La Ballade du Pantin". On imaginerait volontiers cette élégante marionnette se déplacer dans un univers apocalyptique. A moins que ce ne soit une libre interprétation du chant des baleines? Peu importe car il s’agit d’impressions. Et, sans hésitation, l’émotion produite est forte, prenante, irrésistible. Cette esthétique traverse intégralement ce très beau disque. Ainsi en est-il, dans "Morgon", de la plainte du saxophone ou des notes de la basse qui rebondissent contre un métal imaginaire. Ces deux morceaux nous installent dans une mélancolie froide et douloureuse. En revanche, quand le quartet se met en branle, c’est une folle machinerie qui hurle et s’ébroue devant nous. "Remake", mais il y en aurait d’autres à citer, en est révélateur. Dans un crescendo rondement mené, l’empreinte tranquille de la douleur fait peu à peu place à une force dure, enragée, vitale. D’un bout à l’autre de ce disque délicieux, tout va vers une poésie de l’accident, de la douleur, de la violence froide, de furieux sanglots. Et puis, ce manifeste du son et de ses possibles nous invite dans un univers psychédélique en mouvement, dans un incessant et éblouissant aller-retour entre le son distordu et la mélodie. Indéniablement, on en ressort transformé.

Damien Sabatier (saxs), Gérald Chevillon (saxs), Antonin Leymarie (d, perc), et Joachim Florent (cb)
Gilles

29 mai 2013

Renaud Garcia-Fons présentera "solo" à Souillac le 19 juillet prochain



Le plus personnel et le plus risqué des projets du contrebassiste. Un projet peaufiné dans ses moindres détails, assez écrit, sans pour autant bloquer le plaisir de l’improvisation. Seul avec sa belle [contrebasse], Garcia-Fons s’enfonce dans un labyrinthe sonore, explorant toutes les possibilités de l’instrument, de la note essentielle à la « contrebasse orchestrale ». Loin de la réductrice image d’une walking bass codifiée, l’instrument se transforme en concertante à l’aide de l’électronique digitale, de samples créés en temps réel et de traitements distillés avec finesse de style et justesse du propos. Un voyage à travers les influences du musicien, de ses racines andalouses au jazz, des évocations indiennes aux expérimentations contemporaines.


Francisco Cruz mai 2012 Jazz News (partenaire du festival)


Enja / Harmonia Mundi (partenaire du festival)

A suivre Roberto Fonseca « yo »

25 mai 2013

L’esprit libertaire et généreux d’Anticyclone

Hier soir, nous étions confortablement installés dans le bar culturel "Chez ta mère" pour écouter un trio au nom qu’on espère programmatique: Anticyclone. Difficile de définir ce trio car si, d’un clin d’œil, ils font suivre leur nom de groupe d’un ultra référencé "Tu perds ton vent froid", les hard-rockers n’y trouveraient leur compte qu’au prix d’une concession définitive aux rifs saturés.
En fait, Anticyclone pourrait se résumer aux mots de Marek Kastelnik, le pianiste du groupe: "C’est l’histoire d’un mec à qui il arrive des trucs". Car leur musique est narrative. Sans parole, elle se prête néanmoins à un récit d’histoires imaginaires. Et, si le spectateur a toute latitude pour inventer le récit qu’il souhaite, on y trouvera aisément quelque chose de l’ordre du fantastique. Ainsi leur revisite de "I’ll shoot the Moon", de Tom Waits, nous raconte un improbable qui, pourtant, se déroule devant nos yeux. Magie des notes, des postures, des sons, nous sommes à la croisée du folklore moderne, du néo-trad, d’une musique qui n’est pas sans rappeler les arts du cirque, le tout dans une mise en scène savamment orchestrée. Ainsi le piano ouvert de Marek Kastelnik laisse-t-il voir les marteaux frapper les cordes comme on imagine une danse de cabaret. Le fifre de Charlène Moura évoque la musique traditionnelle, comme dans "Symposium", voire les activités pastorales quand elle hèle l’auditoire. Et quand on connaît le goût de Frédéric Cavallin pour les expériences musicales, on comprendra tout ce qu’il y a de liberté et de possibles dans ce répertoire.
De l’imaginaire à l’âme, il n’y a qu’un pas que le groupe s’autorise pour notre plus grand plaisir. Avec "Bassine", Anticyclone nous amène à découvrir l’âme de cette femme, ainsi nommée. Cette mise à nue spirituelle se fait avec beaucoup de respect et, dans un crescendo envoûtant, elle enrichit notre imaginaire. Via les ritournelles, les phases obsédantes, les berceuses, les moments où tout sonne comme un carillon, Anticyclone, à l’instar de "la marche des bœufs" ou encore du "dîner des amants", peint et dépeint des scènes aux touches impressionnistes.
Hier, les douze morceaux s’enchaînèrent comme on lit un recueil de nouvelles ou comme on regarde un film d’excellente facture: avec délice, jusqu’au tak de fin.
Gilles
PS: le trio sera dans le Lot le 30 juin prochain à Montgesty dans le cadre du festival Chercheurs d'étoiles.

23 mai 2013

Daniel Humair présentera "Sweet & sour" à Souillac le 18 juillet prochain


 
Lâcher ses jeunes partenaires sans parachute, pour un exercice de vol libre mutuellement consentis. Le carnet de vol aurait pu être celui-là. En fait, il n'y en avait pas. Daniel Humair, batteur [aussi] rompu aux figures imposées, a voulu [s]' offrir à ses nouveaux et étonnants comparses - Émile Parisien [saxophone], Vincent Peirani [accordéon], Jérôme Regard [basse] - les joies de l'impromptu. Cavalcades collectives, embardées soudaines, joutes et jeux : avec la tempérance de celui qui sait, même quand il ne sait pas, le batteur a permis cette séance collective, où chacun suivant l'autre et son instinct, porté par la syncope juvénile du maître de cérémonie, a cherché-trouvé dans ces improvisations le meilleur moyen de retomber sur ses pieds.
Romain Grosman octobre 2012 Jazz News (partenaire du festival).

Laborie / Harmonia Mundi (partenaire du festival)
à suivre Renaud Garcia-Fons "solo" et Roberto Fonseca "yo"

07 mai 2013

Tangue l'accordéon!


Tout commence par un striptease : Apollonio entre en scène et retire langoureusement,  élément par élément un bonnet à bigoudis, une robe de chambre panthère (si si ça existe !), des charentaises moelleuses en déroulant un suave tango aux sons de l’accordéon de Marcelino. Il arrêtera là la découverte de son corps d’Apollon et se vêtira d’un costume de séducteur sans doute légèrement mafieux. De farces en pitreries, les deux musiciens racontent leurs aventures aux pays du tango. Il y a peu de spectateurs ? tant pis. Ou tant mieux, chacun est pris à partie et chacun rit, l’ambiance chauffe, on ose, on danse - le tango bien sûr-, on rit encore. Marcelino joue, Apollonio chante.  « Au début, on a improvisé le spectacle et l’histoire s’est mise en place. Elle reste le fil conducteur mais après on compose avec le public et dans toutes les situations tout le monde s’amuse », dit Paco à la fin du concert. Avec un peu de recul, on voit bien que les deux amis tournent en dérision les constantes des spectacles : le manteau de fourrure négligemment délaissée par la diva (devenu la robe de chambre panthère déjà évoquée), la participation du public, la vente du cd. Je ne raconterai pas les détournements des incontournables habituels des concerts. Ne pas croire qu’il n’y a que farce et rigolade, la musique est là : un répertoire de tango assez classique, des reprises d’Astor Piazzola (Vuelvo al sur), de Carlos Gardel (Volver) et Adriana Varela.  Marcelino et Appolonio jouent avec les codes, introduisant des airs de milongas (en 2/4 temps), chantés pour faire danser dans les bals populaires, au milieu de tangos « classiques » (en 4/4 temps) plus contemplatifs. Les deux musiciens marquent d’ailleurs bien la différence, blaguant sur les milongas ou créant une ambiance plus intimiste, avec leurs mimiques déchirantes sur les tangos « classiques ». Ils théâtralisent les paroles souvent machos et un peu grivoises des milongas, comme les accents mélodramatiques de l’amour, de la tristesse, des dilemmes propres aux tangos plus récents. L’accordéon déploie de longues phrases, dans lesquelles nous avons le temps de nous installer, de nous reposer, avant que ne reprenne le tournoiement de la danse. Et après le concert, la fête continue à l’Amanita Muscaria. Ce soir-là, le public était peu nombreux, aussi pas de chichi, tout le monde continue à plaisanter, à boire un coup, entre copains. Marie-Françoise
Après le concert de la Mala Cabeza le 16 avril à l’Amanita Muscaria, Toulouse.