30 avril 2013

Concert de printemps à Souillac

Nous parlions depuis longtemps d’organiser un concert de jazz au printemps et l’occasion s’est présentée au mois d’avril avec une salle du Bellay reconfigurée en vraie salle de spectacle et la venue dans la région d’une formation toulousaine. Nous avons invité le Art Bop Jazztet d’Hervé Valentin, le trompettiste de la Lanterne sourde, entendue dans les rues de Souillac en 2010 et dans le cadre de Jazz dans la vallée l’été 2011. Il a constitué une formation typiquement hard bop: piano, basse, batterie et deux souffleurs, un saxophone et une trompette. Ainsi a été mis à l’honneur ce courant du jazz, le « bop dur », créé dans les années cinquante par la communauté des musiciens noirs en réaction au « cool jazz », qui était investi par des musiciens blancs. Moins revendicatif sans doute que le free jazz, le hard bop s’était inspiré du bop en le « calmant » et en y intégrant les éléments fondateurs du jazz: le blues et le negro spiritual. 
Le soir du vendredi 19 avril, le Art Bop Jazztet a joué de très nombreuses compositions du trompettiste Lee Morgan sans laisser de côté la musique d’une figure majeure du hard bop, Horace Silver. « Quand j'étais à Paris, je me réveillais tous les matins avec le générique de FIP de l'époque, c'était "The Sidewinder" de Lee Morgan. Intrigué, j'ai découvert les musiciens du disque, Joe Henderson puis les musiciens de cette période, Horace Silver, Art Blakey... C'est une musique très riche qui sait être énergique, gaie, tendre ou mélancolique... C'est aussi ce qu'on appelle la période "Blue Note" », explique Hervé Valentin. La formation joue également certaines de ses compositions: « Mon intérêt pour les compositions de ce courant a été très clairement initié par Horace Silver, pour moi, c'est un compositeur arrangeur hors catégorie. Ses compositions sont extrêmement travaillées, là où un autre compositeur s'arrêterait de développer son idée, lui, élabore un arrangement très imaginatif, une coda ou un tutti pour enrichir le morceau. Alors parfois, quand, modestement, je compose, j'essaye de m'inspirer de cet état d'esprit, essayer d'aller plus loin et étoffer la composition. » 
Nous nous sommes réjouis de la venue d’un public venu nombreux partager ce moment de jazz – la salle était pleine. L’association pour le festival de jazz de Souillac récidive dans ses initiatives « hors saison » avec la projection le lundi 17 juin d’un film documentaire sur le jazz manouche, Les fils du vent : dans leurs caravanes, des guitaristes perpétuent la musique de Django Reinhardt. Une autre occasion de se retrouver, avant le festival, dans la diversité du jazz. 
Marie-Françoise

27 avril 2013

"Eliot Song" de boucles en boucles



Il est des morceaux qu'on écouterait volontiers en boucle. "Eliot Song", une composition d'Arnaud Rouanet, fait partie de ceux-ci. J'ai plusieurs fois écrit sur le Trio d'en bas pour souligner leurs incroyables concerts, chacun étant une expérience musicale et scénique différente. Mais je n'ai jamais parlé de leur album Le Trio d'en bas enlève le haut. Peut-être parce que Michel Arcens l'a fait avec beaucoup de pertinence? En tout cas, j'invite tout un chacun à savourer le morceau qui clôt l'album. Il débute avec une très belle boucle jouée au piano à pouces africain, rapidement samplée puis rattrapée par la clarinette basse, le clavier et la batterie. C'est avec douceur que le thème, particulièrement beau, y est développé. Le trio prend son temps puisque ce thème y est décliné avec patience pour que l'auditeur puisse s'imprégner des délicates combinaisons qui le constituent. Puis le piano prend le relai pour continuer cette langueur apaisante.
On sursaute peu après la 6e minute car le morceau change de direction. Le rythme s'énerve et la clarinette basse est remplacée par le saxophone dans une explosion qui nous renvoie dans un univers chaotique. Et de dissonances en rifs quelquefois fracassants, où on croise le thème déconstruit, on en arrive à une phase mystique et plus classique qui confine même au blues. Et puis comme une boucle, le thème feutré revient, tandis que le piano à pouces se refait entendre jusqu'à s'arrêter au bout de 18 minutes denses et enthousiasmantes.
On peut cliquer sur le player Deezer ci-dessus et mieux encore on peut acheter cet album. Et mieux encore et encore venir écouter ce trio pour une expérience musicale et acoustique originale en ouverture du festival 2013 dans les grottes de Lacave.
Gilles

22 avril 2013

Initiative H ou un très grand moment de musique


 
C’est une formation récente sur laquelle j’ai un œil et deux oreilles depuis que j’en ai entendu parler. Malheureusement, je n’avais pas encore eu l’occasion de voir ce « Small Band » sur scène. J’avais en effet raté les prestations du festival d’été de Toulouse et de Saint-Pierre-des-cuisines. La date de la prestation au théâtre de poche de l’Ecole Nationale de l’Aviation Civile (ENAC) était donc inscrite dans le marbre et faisait l’objet de toute mon impatience. J’avais juste eu l’occasion de voir les différentes vidéos, malheureusement trop peu nombreuses, de ce projet et de m’en régaler. J’avais, en outre, eu l’opportunité, via un échange de mails, de dire à son leader tout le bien que je pense de ce projet.
Car Initiative H, c’est d’abord le projet d’un musicien, David Haudrechy, dont j’invite tout un chacun à découvrir l’imagination originale qui a conduit à un travail d’écriture tout simplement brillant. Imagination originale car on devine que l’univers qu’il a mis en musique lui est très personnel. Il revendique en effet le monde du surf, de la glisse, d’une Amérique fantasmée et j’ai pu sursauter lorsque, devant un parterre d’étudiants en ingénierie aéronautique, il a évoqué « The Death of Cool ». Etait-ce un clin d’œil à « Birth of Cool » un album programmatique qui deviendra un des opus majeurs d’un mouvement jazz associé à la côte ouest des Etats-Unis ? Serait-ce aussi en écho au manifeste « Out of the Cool » ? J’imagine en fait que, lorsqu’on travaille sur un projet de Big Band, la figure de Gil Evans est incontournable. Mais c’est aussi le travail d’écriture et l’esthétique à la fois feutrée et délibérément influencée par le rock et la pop qui m’y font penser.
Que l’ouverture se fasse via le titre éponyme « Deus Ex Machina » donne à ce projet une envergure programmatique et nous renvoie du côté de la création. On imagine que David Haudrechy a dû peser et sous-peser des termes qui pourraient sembler prétentieux. Mais la subtilité, la finesse de l’écriture et le travail d’orchestration tout simplement titanesque nous renvoient à autre chose. C’est un projet ambitieux dans lequel on imagine que David Haudrechy s’est jeté corps et âme et dont la réussite est franche et totale. Mais Initiative H c’est aussi douze musiciens qui constituent cette machine ingénieuse. Parmi eux, il y a sept souffleurs en front de scène et, parmi eux, des noms qui sont loin de nous être inconnus. Il y a, outre David Haudrechy, Ferdinand Doumerc, Gaël Pautric, Nicolas Gardel, Nicolas Algans, Olivier Sabatier et Lionel Segui, ces deux derniers ayant été remplacés par Teddy Doris et Joris Vidal lors de la prestation au théâtre de poche. Derrière, Florent Hortal et Amaury Faye, respectivement à la guitare et aux claviers, et un groove tonique assuré par Julien Duthu, Pierre Pollet et Florent "Pepino" Tisseyre. Celles et ceux qui suivent la scène toulousaine pourront mesurer la qualité de line up et imaginer la complicité qui peut exister entre eux. La musique est dense, sérieuse, belle. Elle prend au corps et nous amène volontiers dans un univers total. On en revient une fois les notes terminées mais sans en revenir totalement. Dans le théâtre de poche, les spectateurs qu’on devinait peu habitués à des prestations jazzistiques étaient soufflés. Applaudissements certes mais aussi battements des pieds au tempo du groupe, moments de transe tandis que le Band enchaînait les morceaux. Tout simplement merveilleux.
Gilles


17 avril 2013

Concert à Souillac vendredi 19 avril

Le Art Bop Jazztet vient jouer vendredi 19 avril, salle du Bellay à Souillac. L'occasion de se retrouver, en avant première du festival, d'écouter ensemble de la bonne musique, jazz inventif, rythmé et cuivré, et de discuter de la prochaine édition qui approche à grands pas. Il ne faut pas hésiter et venir rencontrer l'équipe du festival de jazz et les musiciens du Art Bop Jazztet.


Vendredi 19 avril, 21h, salle du Bellay, entrée gratuite
Hervé Valentin, trompette
Malek Boubekeur, saxophone
François Vassal, piano
Pascal Marrou, contrebasse
Christophe Ronceray, batterie
http://artbopjazztet.free.fr/

14 avril 2013

L'impro habitée par le Trio d'en bas

Avez-vous déjà vu sur scène le Trio d'en bas? Celles et ceux que nous avions sollicités pour nous accompagner à L'impro voir ce groupe et qui nous ont fait confiance ne s'y sont pas trompés. Comme moi, ils ont trouvé ce groupe extraordinaire.
Formidable, génial, extraordinaire, c'est en effet ce qui vient à l'esprit lorsqu'on est pris dans la tourmente de leur concert. Mais quand on a fait l'énumération de tous ces adjectifs plus forts les uns que les autres, on n'a pas dit grand chose, sinon notre émerveillement. En revanche, quand on s'oblige à y réfléchir, c'est la surprise sans cesse renouvelée qui caractérise le mieux ce trio carrément débridé. Pensez-donc: un bar, certes fort agréable, mais dont le cachet est somme toute relativement banal. Et c'est alors que trois musiciens, délibérément hors norme, se sont emparé de ce lieu pour y faire vivre leur musique. Qu'ils soient placés à côté de la porte des toilettes et que celle-ci grince en aurait énervé plus d'un. Mais, dans leur jeu, dans leur musique, ce grincement devint un élément de scène. Les clients à l'envie pressante s'y sont fait interpeller avec force de notes et de postures. Qu'une dame aille se soulager une seconde fois et voici que ce jour faste devint celui de son anniversaire. Les musiciens, avec tact et musicalité, lui adjoignirent alors la compagnie de Laurent, un spectateur hilare, en guise de cadeau. Le premier réflexe, manifesté par un "donnez-nous une planche et des clous", s'est effacé quand on a saisi que le groupe avait ajouté cette porte, et tant mieux alors qu'elle grince, à ses instruments.
Mais, si vous imaginez qu'on s'est poilé comme des bossus (et nous avons été aussi hilares que Laurent précédemment cité), ne croyez pas que nous avons assisté à un show clownesque. Car la musique du Trio d'en bas est une musique sérieuse et, ce qui ne gâche rien, particulièrement belle. Quand le Trio a terminé la très belle ballade "Eliot Song", c'est une salve d'applaudissements qui a pris le relai. On a applaudi avec autant d'intensité lorsque le groupe a conclu "Parce que le libéralisme est liberté, parce que le libéralisme est beauté". Le titre, bien entendu provocateur, a été l'occasion de souhaiter un définitif, ferme et unanime "Rest in Peace for Ever" à Margaret Thatcher mais ce sont les très belles mélodies de ce morceau qui nous ont enthousiasmés.
Et moi qui étais aux premières loges et qui bavais de plaisir devant ce concert génial, j'ai grogné lorsqu'une sotte, mi-pimbêche, mi-saoûle, est venue me casser les pieds et les oreilles en bavassant avec sa copine pendant la musique délicieuse. Mais c'était sans compter sur le fait que sa sottise devint, là encore, un élément à part entière de ce concert. Elle fit une réflexion à propos de bouchons salvateurs et de cheveux dans les oreilles. La pauvre fut alors prise dans la tourmente, invitée à partager ses connaissances avec l'audience et le trio lui dédia finalement le second rappel.
Et nous qui, pendant tout le concert, étions bouche bée, nous nous disions également que c'est le choix qu'il fallait faire en programmant le Trio d'en bas pour l'ouverture de la prochaine édition de Souillac en Jazz. Imaginez un peu le délire: il va jouer dans une grotte!
Rendez-vous donc avec Arnaud Rouanet, Samuel Bourille et Yoann Scheidt le 16 juillet prochain dans les grottes de Lacave pour une très très belle surprise.
Gilles