16 octobre 2011

Réunion


Le fil musical que tricote Manuel Rocheman pour unir les pièces de la soirée de vendredi à l’Automne Club à Toulouse s’appelle Bill Evans, présent par ses compositions, par la réminiscence de ses sonorités ou par son lyrisme plein d’émotion. Avant l’arrivée de l’harmoniciste Olivier KerOurio, et avec beaucoup de délicatesse, le trio Rocheman – Chazarenc – Allamane a joué deux morceaux de Bill Evans et un de Michel Petrucciani. La couleur romantique de la musique de Bill Evans est conservée par Manuel Rocheman qui garde en filigrane les émotions et apporte sa propre poésie, son goût pour les musiques sud-américaines, sa tendresse aussi. La contrebasse et la batterie entrent dans la danse, assurent les tendances voyageuses, bordent les longues phrases du pianiste. Habillé tout en noir, une petite boîte dans les mains, Olivier KerOurio entre en scène, bloque le micro sur l’harmonica, échange des regards complices avec le trio et quelques mots avec le public et se lance dans Le Grisbi de JeanWiener. Cette musique de film dont chacun connaît la mélodie devient légère, pleine d’humour, étirée ou accélérée à l’harmonica, frappée sur les touches du piano qui relaie avec vivacité le chant de l’harmonica. Les deux comparses explorent cet air archi connu, le colorent de leur savoir, de leur jazz et de leur complicité. Ainsi va le concert, où sont réunis Bill Evans et Toots Thielemans, figures majeures du piano et de l’harmonica, où les quatre musiciens s’en donnent à cœur joie pour explorer tous les possibles et même les impossibles d’airs connus. Les audaces tiennent la salle en haleine. On est frappé par l’admiration réciproque des deux musiciens Tous les morceaux éveillent une musique qui dort en nous, tous les airs sont explorés jusqu’à l’extrême, les solos sont chaleureux, chantants, dansants. Olivier Ker Ourio dialogue avec la rythmique, qui, avec aplomb, embarque vers les îles. Un morceau commence par un échange de bruitages, dans l’extrême aigu au piano, un jeu nouveau. Petit à petit se dessine Caravan de Duke Ellington, toujours dans le jeu, la surprise et l’audace, dans le balancement des rythmes des îles, libre fantaisie. Pour finir Olivier Ker Ourio aborde l’hymne national réunionnais, poétique et dansant le trio n’est pas en reste, en accord pour cet autre évocation d’un ailleurs dansant et chantant. Une force porte l’ensemble: le son de chaque instrument est travaillé dans ses moindres détails, au-delà des mélodies. Nos musiques intérieures, parfois oubliées, vivent un instant poétique, vibrent par la rencontre entre l’harmonica, petit objet à peine visible sur scène et l’imposant piano et prennent un envol vers des possibles qu’elles n’avaient jamais connus.
Marie-Françoise

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