24 octobre 2011

Le cas Petrella

J'avais entendu le plus grand bien de Gianluca Petrella et qu'il n'ait pu venir jouer à Souillac, en juillet 2010, dans le quintet d'Enrico Rava avait été, pour nombre d'entre nous, un grand regret.
Ceux qui ne l'avaient jamais vu auparavant (c'était mon cas) restaient en outre devant un grand vide. Car, s'il y a génie et génie, le cas Petrella est un mystère. Comment un tromboniste peut-il être, sinon aux yeux d'un autre tromboniste, exceptionnel? L'instrument est, en effet, peu propice aux chorus démonstratifs et on ne trouve pas, dans l'histoire de la musique, de trombonist heroes.
D'ailleurs Petrella n'est pas un instrumentiste démonstratif. En revanche, je ne crois pas avoir, auparavant, rencontré un musicien pour lequel il y avait un lien aussi direct entre son instrument et son imagination. Ce n'est pas en tant qu'instrumentiste que Petrella est exceptionnel, c'est en tant que musicien, compositeur, arrangeur de notes et de sons. Si ce n'était réducteur, je pourrais dire que la musique de Gianluca Petrella est un juste milieu entre le psychédélisme de Pink Floyd (avant la moitié des années 1970), les espaces plaintifs de Ry Cooder, Ennio Morricone, ou encore de Limousine. Ajoutez-y l'intelligence de Frank Zappa et vous pourrez vous targuer d'approcher la bête.
En revanche, l'émerveillement ne doit pas rendre aveugle et il faut avouer que nombre de spectateurs ont quitté l'Automne Club, certains mêmes en plein morceau et j'ai pu entendre un de mes voisins lâcher un "c'est stressant". On est en effet subjugué ou on ne supporte pas. La musique est sans concession au bon, ou au mauvais, goût: pas d'humour, pas de thème, pas de chorus, pas de repère, juste un parti pris onirique, quelque part du côté sombre de la musique. D'où le "c'est stressant". Slaves, son dernier opus, celui-là même qu'il présentait à Toulouse, est à l'image de ce concert. Le visuel d'abord: des chaines, très majoritairement aux couleurs d'acier, en suspension dans un univers noir. Des sons, ensuite, qui grincent, percutent, s'allongent, heurtent, pris dans des réverbérations et des larsens. La prestation de Gianluca Petrella, lors de Jazz sur son 31, venait clore la semaine autour du trombone. Heureusement car, s'il y a un avant Petrella, il n'y aura peut-être pas d'après.
Gilles

Libellés : ,