25 octobre 2009

Souffle indien depuis la Grand-Place

Avant-dernière soirée de Jazz sur son 31 et, comme l'an dernier, le festival organisait une rencontre avec un label. Cette année, c'était Igloo qui était invité à présenter trente années d'édition. Paraît que, à 18 heures, ils n'ont pas fait fort puisque, en une petite vingtaine de minutes, tout était bouclé. Peut-être que les représentants du label belge étaient amers de devoir faire leur prestation devant une quinzaine de spectateurs? Dommage car la Belgique a beaucoup de choses à apporter en-dehors des hyper-connus de ce côté-ci de la frontière. C'est pas Jazzques (coucou Jacques!) qui nous contredira sur ce point, lui qui écume salles et festivals de l'autre pays de la Sambre. A 21 heures, c'était une autre paire de manches et on retiendra très volontiers le premier concert donné par le quartet de Manuel Hermia, avec à ses côtés, Erik Vermeulen (p), Sylvain Romano (b) et Lieven Venken (d). Ils ont débuté avec une "Indian Suite" car, nous dit Manuel Hermia, la musique indienne est son autre passion. Mais ce n'était que le début de cet "Indian Sweet" et les titres "Contemplation", "Internal Sigh" ou encore "Always Smiling" donnaient le ton de ce projet qu'on vous invite à aller écouter. On regrettera en revanche de ne pouvoir disposer, ni sur son site, ni sur sonspace, des dates des prochains concerts de Manuel Hermia.
Gilles

24 octobre 2009

Jack Dejohnette & The Ripple Effect

De la terre au ciel
Depuis des années, j’écoute Jack Dejohnette, avec Miles Davis, John Surman, Keith Jarett, Charles Lloyd, Dave Holland, Abbey Lincoln, John Coltrane… en disques. Et il était là, au centre de la scène, au cœur de sa batterie, au cœur de son quintet, lundi 16 novembre à Saint-Orens. Avec lui John Surman, figure du saxophone au son incomparable, dont je ne me lasse jamais. La salle était d’ailleurs archi pleine. Des voix ont aussitôt rempli l’espace, celle de Marlui Miranda accompagnée de sa petite guitare brésilienne, puis de tous les musiciens, permanence de sons sur laquelle les instruments ont pris place. La musique, sous une forme répétitive, a tourné sans cesse autour de son centre, Jack Dejohnette. La batterie participait aux mélodies, aux mélopées. La chanteuse brésilienne Marlui Miranda, spécialiste des musiques des Indiens de l’Amazonie, en ôtant ses chaussures a ancré dans le sol les chants incantatoires, matière première de tout le travail de composition de Ripple Effect. Les morceaux ont glissé imperceptiblement de la mélopée « ethnique » à un jazz plein, puissant et nourri des sonorités singulières de John Surman, des incantations des Indiens du Brésil aux chants africains (avec l’extraordinaire Jerome Harris à la basse et aux chants), de la terre à une musique planante (qui rappelait les Pink Floyd ou les compositions de John Surman). Si l’incantation fut en partie le fil conducteur, elle prit de multiples formes : cantique en français entonné par Marlui Miranda, qui a glissé vers le jazz, la musique répétitive planante et les sons électroniques ou rap explosif scandé par Ben Surman. Les mélodies ont tourné d’instruments en instruments, de voix en voix, chacune riche de surprises, véhiculée par un son parfait et une imagination puissante. On s’est pris à rêver, à imaginer une nature puissante et sauvage, à des pays inhabités. Pas de repos dans ce concert généreux dont les flots sonores me portent encore.
Merci à jazz sur son 31 de permettre ces instants de magie.
Marie-Françoise
Jack Dejohnette, batterie, voix
Marlui Miranda, voix, instruments indiens
John Surman, saxophones, clarinette, clavier et autres flûtes
Jerome Harris, basse, voix
Ben Surman, electronica, claviers

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22 octobre 2009

Bill Frisell plays Richter 858

C'est un sacré musicien qui se produisait mardi dernier à Ramonville, une sorte d'extra-terrestre dont on ne sait dans quelle mesure il relève du jazz (son étiquette la plus répandue), du folklore imaginaire, de Zappa, Cage ou, plus sûrement, d'art contemporain. Tout, en effet, dans la posture scénique de Bill Frisell, dans son parcours musical et, à cette occasion, le projet qu'il présentait, absolument tout y contribue.
On devine une approche picturale de la musique et, dans le centre culturel de Ramonville-Saint-Agne (au demeurant fort approprié), il n'était pas absurde de se demander si les pupitres portaient des partitions ou des toiles. Celles de Richter en l'occurence puisqu'il était au centre du projet. Et l'idée de composer à partir de ce photographe devenu peintre pouvait nous faire appréhender un niveau d'abstraction peu abordable. Attention, dissonances possibles...
Mais l'univers du quartet de Bill Frisell, c'est d'abord celui de l'intelligence et c'est un questionnement sur l'articulation abstraction/musique narrative nourri d'un imaginaire débordant. C'est aussi un rythme ralenti qui permet la déclinaison de milliards de motifs. Bref, on est beaucoup dans la musique répétitive où tout se joue dans les touchers et les nuances, dans ces infimes décalages qui créent cette sensation de transe. Ces motifs, déclinés à l'infini, sur un rythme obsédant, étaient-ce ceux de Richter à l'oeuvre sur sa toile? Non, réellement, la peinture n'était pas loin et ce concert fut un des plus merveilleux qui m'ait été donnés à voir.
A la fin, après les salutations d'usage, il y eut, pour notre plus grand bonheur, deux rappels à l'issue desquels cet extraordinaire monsieur quitta les bras de sa Telecaster et nous laissa, pour encore de longues heures, avec de fabuleuses images.
Gilles

18 octobre 2009

"Là où je suis n'existe pas"

Là où je suis n’existe pas, cette phrase qui a donné le ton à la manifestation d’art contemporain de la ville de Toulouse «Le printemps de septembre» m’est venue à l’esprit pendant que j’écoutais vendredi soir le trio de Mathieu Donarier. L’imaginaire a mené les trois musiciens sur des chemins de l’exploration des mélodies et des sons. Le premier morceau, une divagation sur une chanson de Brassens Le temps ne fait rien à l’affaire (que je n’avais pas reconnue), réunit les trois instruments autour d’échanges mélodiques puis rapidement laissa à chacun le soin de se promener sur des itinéraires personnels, exploration de sonorités. Une visite sous-marine sur deux thèmes Underwater scenes et Il pleut dans ma chambre (de Charles Trenet) continua le périple, audacieux et imaginatif. J’ai adhéré sans retenue à cette recherche où chaque instrument est soliste et qui construit un paysage sonore collectif. Ainsi la ville de Novosibirsk émergea à mes oreilles et dans mon imagination, en résonances, répétitive, monumentale, puis peuplée, remuante, habitée (sur un morceau éponyme). Une autre chanson de Brassens, Le roi des cons, (décidément encore une histoire de cons) confirma la cohésion et la complicité rare de ce groupe. Depuis dix ans, depuis l’époque où ils étaient ensemble au conservatoire, les trois musiciens peaufinent leur conception de la musique ; la qualité de leurs interactions est maximale, parfaite. Deux rappels ont permis au trio de continuer son périple exploratoire, exact et libre, imaginaire et authentique.
Marie-Françoise
vendredi 16 octobre, Jazz sur son 31, MJC Roguet Toulouse
Mathieu Donarier, saxophones ténor et soprano
Manu Codjia, guitare
Joe Quitzke, batterie

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16 octobre 2009

Le poème épique de Francesco Bearzatti

Hier soir, Francesco Bearzatti se produisait à l'Automne Club. La salle était loin d'être pleine mais un jeudi soir (le concert débutait à 22h30), pour un saxophoniste et clarinettiste connu surtout pour sa participation à Bizart trio avec Aldo Romano et Emmanuel Bex...
Pas beaucoup de monde donc dans le Magic Mirror mais une patate d'enfer pour une Tinissima Suite en neuf chapitres qui se sont succédés sans interruption. Tinissima pour Tina Modotti nous dit, en début de concert, Bearzatti. Une femme mythique ajoute-t-il.
Un hommage chronologique puisqu'il débute avec "Mandi Friul" (Tina Modotti est née à Udine en 1896) et se termine avec "Hermana No Duermes" (ou la mort à Mexico en 1942). "Hermana No Duermes" sonne d'ailleurs comme une marche funèbre. Basse et batterie, d'un lourd pas unanime, déroulent impertubablement une atmosphère poignante. Le sax est plaintif, souffrant, la trompette douloureuse. Cet épisode macabre est un des plus longs de l'hommage (presque 7 min. en studio). Trompette et sax finissent, eux aussi, à l'unisson dans une lamentation éprouvante.
Entre temps, c'est l'épopée de la photographe italienne qui est mise en musique. D'abord "America", puisque Tina Modotti s'est installée, de 1917 à 1923, à San Francisco puis Los Angeles. Ici, Bearzatti est à la clarinnette et ça envoie dur dans l'Amérique début XXe. Ça se poursuit avec "Why?" jusqu'à la quatrième plage, explicitement intitulée "Mexico". Ici, ça parade sympathiquement, les souffleurs s'en donnent à coeur joie, après une très longue introduction menée par Danilo Gallo. On roulerait presque des hanches dans la chaleur moite et festive. Et, voilà qu'en quittant le Mexique, Tina Modotti en fut expulsée, catastrophe: c'est le début d'une fuite d'abord dans l'Allemagne des années "1930", ensuite en Union soviétique, puis en Espagne pendant la guerre civile. Ça barde pour les morecaux qui suivent; rythmique binaire, très rock, quelque chose de dirty, pas loin d'un punky "no future". Dernier moment, retour au Mexique, et là, c'est la mort, dans un taxi, au mois de janvier. Francesco Bearzatti (sax. cl.), Giovanni Falzone (tp), Danilo Gallo (b) et Zeno di Rossi(d) pleurent et nous avec. La boucle est bouclée.
Gilles

15 octobre 2009

Un temps de poésie

Un temps de poésie, souvent, est une affaire personnelle, voire intime. Pourtant c'est collectivement que le quartet de Christophe Marguet a élaboré , mercredi soir à Toulouse, un espace poétique partagé avec nous, les spectateurs. Les exigences étaient fortes, exigences d'une musique complexe et d'une écoute disponible. La première composition a donné les lignes qui construisirent l'esthétique. Il fallut la grâce du solo de clarinette de Sébastien Texier au troisième morceau Extase violette pour que se dessinent de nouveaux contours tout en demi teintes et en subtilité. Et puis ce fut l'explosion d'un long et éblouissant solo de batterie de Christophe Marguet, sous d'autres couleurs, chaudes et lumineuses. Les sons de la contrebasse et de la batterie formaient un décor très présent, très fort dans lequel se posaient le piano et le saxophone. La très grande liberté d'improvisation de chaque musicien, dans un cadre si exigeant, offrit des moments de grâce, au piano et à la contrebasse à tête de lion qui flottèrent longtemps dans l'espace poétique. Qui adopta un rythme, écrin pour de magnifiques duos piano contrebasse, pour de puissants solos de batterie, pour de délicates improvisations au saxophone. La poésie créait l'émotion, elle créait la beauté. Poésie sans mot, poésie de la musique pure sous les étoiles d'un ciel berbère.
Marie-Françoise
Concert Émotion à la MJC Roguet, Toulouse, mercredi 14 octobre
Itrane
Christophe Marguet, batterie
Sébastien Texier, saxophone alto, clarinette
Bruno Angélini, piano
Mauro Gargano, contrebasse

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14 octobre 2009

Accordéonchant

... débutant par un chant surprenant déconcertant occitan minviellant puis sanseverinement modulant modelant les voix claquant fredonnant frottant soufflant sifflant bourdonnant bégayant scatant riant toussant toussant toussant mélodiquement éructant grossièrement déclarant résonnant explosant exposant racontant répondant hérissant (les oreilles les plus prudes) chantonnant rythmant moquant frappant applaudissements aristidebruant parlant criant chantant étonnant décoiffant éclatant époustouflant délirant réjouissant
... et puis le chant de l'accordéon...
Marie-Françoise
Concert de mardi 13 octobre à l'Automne Club à Toulouse Une heure avec Lionel Suarez avec
André Minvielle chant et objets divers
Stéphane Sanseverino chant et guitare
Lionel Suarez accordéon

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13 octobre 2009

Kora Jazz trio

D’abord des images, la majestueuse kora décorée, le piano à queue sombre et mystérieux, l’alignement des tambours, blancs surmontés de cymbales ; un homme en grande robe orangée dorée s’installe à la kora et se promène de la harpe à la guitare rock avant de se poser sur un chant africain. Nous voilà embarqués sur un grand fleuve de l’Afrique de l’Ouest ; les paysages défilent, les chants racontent, les tambours arrivent puis un piano venu du jazz. Les premiers morceaux se nourrissent de la chaleur et de la lumière de l’Afrique, des rythmes et des rires. Puis le jazz est là avec des versions toniques, lumineuses, joyeuses de Now’s the time de Charlie Parker et de Rythm’ning de Thelonious Monk. Les discussions vont bon train entre les trois instruments, chacun porteur de sa tradition, du griot au jazzman de club américain. Djeli Moussa Diawara voyage des chants traditionnels aux sonorités jazz, ses doigts pinçant, frappant ou frottant les trente-deux cordes de la kora. Impossible de résister aux rythmes qui varient mais, tenaces, attrapent les mains et les pieds, remuent les têtes dans la salle. Les interprétations au piano d’Abdoulaye Diabaté – qui a composé l’essentiel des morceaux et arrangements – sont éblouissantes et pleines d’humour (Frère Jacques, ding ding dong). Le griot percussionniste Moussa Cissoko frappe et danse, silhouette blanche sans cesse en mouvement. Chants, danses, rythmes ont conquis le public qui rappelle deux fois le trio qui, généreux, revient jouer Chan chan d’Ibrahim Ferrer. Cette combinaison tonique, dansante de l’Afrique et du jazz communique sa joie, sa chaleur, sa force de vie.
Marie-Françoise

11 octobre 2009

Histoires mélodiques


À Pibrac, samedi soir, dans la très belle salle du théâtre musical, Jazz sur son 31 conviait le saxophoniste ténor David El Malek et son octet. Comme un recueil d’histoires, le concert, Music from Source, déroula des univers imaginaires nourris du folklore et des chants religieux juifs.
Mais il ne faut pas croire qu’il s’agisse de folklore, c’est du pur jazz. Si David El Malek nous raconte des histoires et des chansons juives à travers sa musique, libre à nous de créer nos propres mondes ; il nous livre son imaginaire, libéré justement du versant anecdotique du folklore. Les timbres graves du tuba, de la contrebasse et de la clarinette basse donnent une tonalité sérieuse sur laquelle se bâtissent des morceaux parcourus par le fil narratif du saxophone omniprésent. Puis à mi concert, David El Malek nous raconte une petite histoire pour introduire un invité inattendu, Ali Alaoui à la derbouka. La musique prend alors une couleur orientale et les duos de percussions explosent du plaisir de jouer. David El Malek proposera deux jeux au public, un frappé et un chanté ; le public adhère, le concert décolle. Les mélodies sont captivantes, les développements dérouillent l’imagination, la rythmique tonifie. Cette combinaison, appuyée par les sonorités graves, crée, sur un patrimoine folklorique et religieux, une musique de jazz qui prend le public sous son charme. Marie-Françoise

David El malek, saxophones ténor et soprano
Yoann Loustalot, trompette et bugle
Thomas Savy, clarinette basse et saxophone ténor
Eric Dufaÿ, cor
Denis Leloup, trombone
Didier Havet, tuba
Jules Bikoko Bi Njami, contrebasse
Daniel Garcia Bruno, batterie, shékeré, riq, daf bata et cajon
Ali Alaoui, derbouka

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10 octobre 2009

Art Tatum et Souillac


Pour Jacques

Art Tatum aurait 100 ans ce 13 octobre. Pour moi, Arthur c'est du grand Art, comme David Stone Martin le créateur de nombreuses pochettes de disques (ci-dessus). Art Tatum a enrichi le jazz, lui qui a reçu un Gold Award en 1944 et à qui on pourrait décerner le piano d'or! Il utilisait le braille, bien avant qu'à Souillac on l'utilise pour notre programme. Je ne sais pas s'il était passé par la Lorraine pendant la guerre de 14-18 comme le prétend Georges Pérec, qui se souvient mieux des émissions de Sim Copans que des créateurs de "Sweet Lorraine" que sont Mitchell Parrish et Clifford Burwell. Il est mort le 5 novembre 1956 la veille de partir pour Paris où finalement il n'aura jamais joué. La légende veut qu'un jour il entra dans un club où jouait celui qui l'influença: Fats Waller, qui déclara:"C'est moi qui joue ce soir, mais Dieu est avec nous dans la salle". A Souillac, on joue depuis 34 ans et Dieu est avec nous!
Robert Peyrillou

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